Menu
Libération

Droit du foot : Canal + marque à domicile

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 24 juin 2011 à 11h43
(mis à jour le 24 juin 2011 à 11h47)

C'est une belle affiche (prendre un ton de commentateur de foot genre, soyons fous, Thierry Roland et son Jean-Mimi.) Une finale inédite , Jean-Mimi, où chacun a mouillé le maillot entre le favori, Canal +, champion des droits télé de la Ligue 1, et le petit-poucet-que-personne-n'attendait, Al-Jezira. Oui, Thierry, une finale remportée logiquement par Canal + mais Al-Jezira s'en tire avec les honneurs.

Voilà, hier, la Ligue de football professionnel (LFP) a décacheté les enveloppes contenant les propositions financières de Canal +, Al-Jezira et Orange, les a pondérées avec les offres qualitatives de chacun des candidats (la façon de mettre en valeur le spectacle du foot) et annoncé le résultat du match. Quatre lots pour Canal +, soitdeux matchs,le samedi à 17 heures et le dimanche soir, à choisir parmi les rencontres les plus alléchantes et ses quatre magazines de résumé ( l'Equipe du dimanche, le Canal Football Club , etc.). Un lot pour Al-Jezira, soit deux matchs, le vendredi soir et le dimanche à 14 heures. Les lots 6 à 9 - dont les droits pour mobile et la VOD - n'ont pas été attribués, faute de candidats : Orange n'a misé que 10 millions d'euros pour obtenir les matchs sur téléphone, autant dire peanuts.

infographie Idé

Le ravi de l’affaire, c’est Canal +. Pour 420 millions d’euros et 45 millions d’euros de moins par rapport à la somme versée actuellement, la chaîne décroche un match de plus. N’empêche que Canal +, soulagée d’avoir vu Orange se retirer de la course aux droits télé, a tout de même eu chaud aux fesses avec l’irruption d’Al-Jezira. Le groupe qatari réussit quant à lui son entrée sur le gazon français avec deux matchs pour 90 millions d’euros quand Orange en dépensait 203 pour une rencontre et des droits mobile. Reste à trouver une télé pour diffuser ces rencontres : ce sera Orange Sport, avec laquelle Al-Jezira est en discussion, ou une nouvelle chaîne, encore à créer. Mais on connaît déjà le patron de l’une ou de l’autre : Tonton Charlie ! Oui, Charles Biétry, patron historique des sports de Canal + et aujourd’hui recasé à l’Equipe TV, qu’il va quitter. Nasser al Khelaifi, président d’Al-Jazira Sport et de QSI, le nouvel actionnaire majoritaire du PSG, l’a en effet intronisé hier.

Mais il faut bien un perdant dans l'affaire et c'est la LFP. Elle ne ramasse que 510 millions d'euros alors qu'elle clamait vouloir atteindre les 600. Officiellement, son président, Frédéric Thiriez, a tenté de sourire sous sa moustache : «Nous sommes à la mi-temps du match, la première mi-temps s'est bien passée mais il y a encore du travail à accomplir.» Certes, il faut encore attribuer les lots 6 à 9 mais il y a fort à parier que la (grosse) différence ne sera pas comblée : envolés, les 668 millions annuels que la LFP tirait jusqu'alors des droits télé.

Pourtant, grâce à l’arrivée opportune d’Al-Jezira, la Ligue limite un peu la casse alors que, la semaine dernière encore, Thiriez songeait à suspendre l’appel d’offres de peur qu’il ne rapporte pas assez. Premiers rassurés, les clubs de l’élite, gravement télédépendants. Les droits télé représentent une part considérable de leur budget annuel. Pour eux, c’est bien simple : si la LFP ne vend pas cher son produit L1, c’est la catastrophe. L’an passé, les droits pesaient peu ou prou pour la moitié du budget des 20 clubs de L1.

A l'Olympique lyonnais, plus gros tiroir-caisse du championnat de France en 2010-2011 avec 200 millions d'euros, ces droits représentaient 25%, soit 45 millions d'euros. Pour le PSG, c'était 49%. Les Lillois ont été champions de France l'an passé avec un budget constitué à 71% de droits télé (42 millions sur les 60 du budget total). Si Al-Jezira ne s'était pas présentée, le passage de la L1 à 18 clubs était à envisager. Avec ce nouvel appel d'offres, il devrait encore y avoir du gâteau pour vingt. Mais un peu moins : «Il va falloir , indique un expert de la chose sportivo-cathodique, qu'ils vivent sur un pied conforme à leur nouvelle économie.»

Paru dans Libération du 24/06/2011

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique