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Libération

Facebook, la défiance aveugle

par Camille Gévaudan
publié le 23 mars 2012 à 18h33

Quelques semaines après Google , Facebook s'est lui aussi mis en tête de simplifier ses conditions d'utilisation pour commencer l'année 2012 du bon pied. Rien de très important ni de très excitant : il s'agissait simplement de retirer quelques mots ambigus, d'en changer d'autres pour plus de clarté, d'en rajouter certains par souci de transparence. Une démarche très positive, donc, qui devrait accompagner dans les semaines à venir d'autres efforts en matière de contrôle de la vie privée, exigés par la CNIL irlandaise . Mais rien ne s'est passé comme prévu. Des centaines d'internautes se sont violemment opposés aux changements proposés, et Facebook a dû repousser l'entrée en vigueur du nouveau texte à une date indéfinie.

Il n'y avait pourtant pas de quoi fouetter un chat. La majorité des modifications sont d'ordre purement lexical : «Journal» au lieu de «Profil» d'un utilisateur, «plugins sociaux» au lieu de «liens de partage» , «discours de haine» au lieu de «contenu haineux» ... A d'autres endroits, Facebook précise qu'il est interdit de modifier les logiciels et applications qu'il propose au téléchargement, ou encore que des fonctionnalités peuvent être désactivées dans certaines régions du monde.

Détail des changements apportés : ajouts en rouge souligné, retraits en rouge barré

Mais après les innombrables polémiques générées par Facebook ces dernières années, les internautes ont pris l'habitude de se méfier de tout changement touchant à la politique de confidentialité du site. On se souvient comment, en février 2009, le réseau social a tenté de s'arroger tous les droits sur les contenus postés par ses utilisateurs (avant de faire machine arrière ). Ou comment, en décembre de la même année, Facebook a poussé les utilisateurs à rendre toute leur vie publique sous couvert de «simplification» des paramètres de confidentialité. Ces manipulations ont largement été médiatisées, et Facebook ne peut s'en prendre qu'à lui-même si ses membres traduisent automatiquement «nouveauté» par «entourloupe».

Aussi, quand la réécriture de la «Déclaration des droits et responsabilités» fut annoncée sur la page Facebook Site Governance , le 15 mars, des milliers d'internautes y ont opposé un refus net et franc. En réalité, on ne leur demandait même pas leur accord : ils avaient simplement 7 jours pour «transmettre» d'éventuels «commentaires» . Mais le message de l'équipe Facebook s'est transformé en référendum. «I disagree with the changes» , ont lâché les anglophones (526 avis exprimés). «Ich lehne die Änderungen ab» , ont répondu les Allemands, sur-sensibilisés à ces questions de vie privée. (36878 bulletins). «Ras le cul des mises à jour !» , commente-t-on du côté francophone (96 commentaires). La majorité des avis ne sont pas argumentés : c'est un «non» bête et méchant qui traduit bien le peu de confiance accordée par ces internautes à leur réseau social préféré.

Les quelques commentateurs ayant parcouru attentivement les changements proposés ont tiqué sur le paragraphe 2.3, dont la version actuelle disait : «quand vous utilisez une application, votre contenu et vos informations sont transmis à cette application» . La nouvelle version propose : «quand vous, ou d'autres utilisateurs ayant accès à votre contenu ou vos informations, utilisez une application, votre contenu et vos informations sont transmis à cette application» . Cet ajout signifierait-il que les applis Facebook aspirent non seulement les données de leurs utilisateurs, mais également celles de tous leurs amis ?

Bien sûr que oui... mais ce n'est pas nouveau. Les applications fonctionnent ainsi depuis près de 5 ans. Mais aujourd'hui, c'est écrit noir sur blanc pour que tout le monde soit au courant.

«Les applis ont besoin de ces données d'amis à cause de leur caractère social , explique Barry Schnitt, porte-parole du réseau, à CNET . C'est même tout l'intérêt de notre plateforme.» Les applications de musique, par exemple, veulent savoir ce qu'écoutent vos amis pour vous proposer de jouer la même playlist.

Il est possible de s'opposer à une telle propagation de ses informations personnelles en cochant quelques simples cases. Sur Facebook, aller dans les « Paramètres de confidentialité », section «Applications et sites web» . Cliquer sur «Modifier les paramètres» .

Dans la section «Comment les autres transmettent vos informations aux applications qu'ils utilisent‎» , cliquer encore sur sur «Modifier les paramètres» et tout décocher.

Les applications garderont toutefois un accès à la liste des amis de leurs utilisateurs, donc à leur numéro d'identification, et donc à leur profil, et donc à toutes les informations qu'ils ont choisies de rendre publiques. De ce côté-là, on ne peut rien faire... ce qui n'est pas une raison pour monter sur ses grands chevaux quand Facebook essaie, pour la première fois de sa vie, de jouer la transparence. Mais on peut dire qu'ils l'ont bien cherché.

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