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Libération

France Télévisions, plus belle la vis

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 14 avril 2010 à 9h39

Le petit jeu entre Alexandre Bompard et les salariés d'Europe 1 durait depuis des mois. A chaque fois, le jeune PDG de 37 ans et demi répondait : «Non, je reste.» Mardi dernier, à la question rituelle, «allez-vous à France Télévisions ?» , Alexandre Bompard a fini par lâcher: «Je ne peux pas vous répondre.» C'est ainsi qu'il est devenu président de France Télévisions. Enfin, normalement. Enfin, si le président de la République Nicolas Sarkozy ne change pas, encore une fois, d'avis.

Depuis, une véritable frénésie s’est emparée du petit monde des médias. Une frénésie dont est seul responsable Nicolas Sarkozy: c’est lui qui, en s’attribuant la nomination des présidents de l’audiovisuel public, par la loi du 5 mars 2009, a mis cent balles dans le juke-box à rumeurs et à fantasmes -- qui se réaliseront peut-être. Et c’est une sacrée nouba que joue le juke-box.

Pourtant, si Alexandre Bompard était dans la short-list de l'Elysée -- aux côtés de Rémy Pflimlin, patron de Presstalis (ex-NMPP) et de Rodolphe Belmer, directeur général de Canal + -- il n'en était pas le favori. Nicolas Sarkozy, confie-t-il à son entourage, ne veut «pas faire de jeunisme» . Du moins jusqu'à mercredi dernier : ce jour-là, le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, annonce qu'il faut sabrer le grand projet de Nicolas Sarkozy pour France Télévisions : maintenir la pub avant 20 heures, alors que sa suppression est prévue pour fin 2011. Ce qui, même si Copé s'en défend, signifie la fin de la privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions, qui est en cours de cession au producteur Stéphane Courbit, allié à Publicis. Et cette privatisation-là, qui sent le soufre ( lire l'article ), Copé n'en veut pas. Réaction immédiate de Sarkozy : tu veux pas Courbit? T'auras Bompard! Même âge ou presque, même bande et même mentor, du moins il s'en vante: Alain Minc.

Le schéma est grossier: voilà Nicolas Sarkozy bombardant à France Télévisions Alexandre Bompard, patron d'une station amie (celle-là même où s'épancha Carla Bruni mercredi dernier, celle-là même que détient Arnaud Lagardère, autoproclamé «frère» du Président). Et ce alors que la cession de la régie publicitaire à Stéphane Courbit -- autre proche de l'Elysée -- a du plomb dans l'aile, lequel Courbit compte, parmi les actionnaires de sa Financière LOV, Alain Minc (3% à titre gracieux), lequel Minc se pique d'avoir inspiré à Sarkozy la suppression de la pub sur France Télévisions… Après, forcément, tout est possible.

Alexandre Bompard serait déjà en train de constituer une équipe: directeur financier, directeur des programmes, de l'info… Dont on voit mal comment elle ne pourrait pas être sinon choisie, du moins adoubée par l'Elysée. Là, on entend tout, et sans doute n'importe quoi : David Pujadas ou Paul Amar à la place d'Arlette Chabot à la tête de l'information, Ara Aprikian, directeur des programmes de Canal +, au même poste à France Télévisions, et surtout l'incroyable rumeur d'une arrivée, comme conseiller, d'Etienne Mougeotte, ex de TF1 et directeur des rédactions du Figaro, aux éditos tellement distanciés… «Aucun commentaire , dit Alexandre Bompard, sauf si vous souhaitez parler d'Europe 1.»

Si la médiatisation intempestive de son nom pourrait encore le griller, Alexandre Bompard reste tout de même le favori de l'Elysée, ainsi que celui du ministère de la Culture où on lui donne du «Alexandre». Hier, Frédéric Mitterrand a dit, évoquant le choix de Nicolas Sarkozy : «Je pense que son avis et le mien concordent.» La procédure d'installation -- audition devant le CSA et le Parlement -- pourrait s'enclencher très rapidement, sitôt Nicolas Sarkozy de retour de Washington, demain. Si la girouette présidentielle n'a pas pris un autre vent.

Paru dans Libération du 13 avril 2010

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