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«Gerridae» (2/5) : Pas facile de marcher sur l'eau

Malgré un planning hautement étudié, l'équipe de «Gerridae» perd du temps, et cours après la montre.
par Virginie Malbos
publié le 17 août 2010 à 16h57
(mis à jour le 1er juin 2011 à 11h41)

Tout commence avec une idée. Un concept développé par Richard Stankiewicz et défendu à l'oral devant un jury de professeurs et de professionnels. Quelques dessins, une trame, l'histoire d'une araignée d'eau qui veut rejoindre la mer. Le périple de Gerri qui, grâce à ses ondes, va pouvoir se défendre et résoudre des puzzles pour avancer encore et encore. Un projet parmi une cinquantaine d'autres. Mais seuls quatre doivent rester. Il sera de ceux-là.

Alors, tandis que les éliminations se succèdent, l'équipe s'étoffe autour de Richard. Pour certains, c'est une évidence, après de précédents travaux communs. Bastien Fontaine, game et level designer résume : « Nous étions quatre à avoir déjà travaillé ensemble sur un projet réalisé avec le moteur de jeu UDK. D'autres avaient collaboré pour des jeux en flash. En fait, nous nous sommes réunis par affinité, nous sommes un groupe de fumeurs qui se retrouvait très souvent aux pauses, ça crée des liens. Mais surtout, on a senti que Gerridae était un des projets phare de cette année » . Pour d'autres, le choix a été plus dur. Marcelino Lopez, programmeur, avoue avoir hésité entre deux projets mais ne pas regretter son choix. « Le groupe est sympa, tout fonctionne bien. On n'aurait pas pu avoir meilleure équipe » .

Un client exigeant

Seulement, avoir trois mois pour créer un jeu vidéo de toutes pièces ne laisse pas forcément le temps pour l'amusement. A peine constituée, l'équipe doit déjà répondre aux désirs de son client, Olivier Masclef -- leur professeur, mais aussi le co-fondateur du défunt WideScreen Games. Un client exigeant qu'ils rencontrent toutes les semaines et qui demande des retours sur investissement : risklist, plannings... Il faut produire les mêmes documents que les pros. « Côté organisation nous avons eu un véritable défi à relever. Il a fallu mettre en place une sorte d'esprit d'entreprise » , explique Bruno Julien, game et level designer.

Et si la collaboration avec le client s'est dans l'ensemble bien passée, elle n'a pas été sans difficultés, le plus grand problème étant la perte d'un mois de travail. Dorian L'Héritier, infographiste, résume ce premier mois : « Au début, on ne savait pas trop où on allait. Au bout de la troisième semaine de travail les level designers ont dû revoir tout le concept du jeu. Nous nous étions trop éloignés de ce que nous avions vendu au client » . Et Bruno d'ajouter : « On avait perdu l'essence du gameplay proposé au jury. Mais nous avons réussi en une semaine à retrouver le principal » . Moins concentré sur les puzzles et plus hétérogène, basé sur l'aventure, la réflexion et l'action, le jeu est donc retombé sur ses pattes. Mais il ne restait plus que deux mois pour le terminer.

Trois dimensions et quelques problèmes

Par chance, les infographistes avaient pu continuer à travailler, prenant de l'avance sur le projet. « Nous nous sommes répartis le travail en fonction de nos capacités et de notre personnalité » , détaille Dorian. « Florian Militello s'est chargé des décors, Yann Trieu de la partie technique, Gauthier Duhamel des particules opérant dans le jeu, et moi des personnages. En temps normal, on ne fait pas du tout les mêmes choses, nous n'avons pas le même style, mais nous avons réussi à homogénéiser l'ensemble » . La gestion de l'eau mise à part -- Yann s'y arrachera les cheveux pendant de longues semaines --, l'ensemble de la partie graphique s'est déroulée sans encombre.

Ce qui n'est pas la norme sur le projet Gerridae . Car côté programmeurs, les difficultés ont été nombreuses. Un exemple parmi d'autres: les nénuphars dont l'araignée d'eau s'aide pour terminer ses puzzles. Marcelino commente: « Ça a été vraiment bordélique. Jusqu'à ce qu'un jour, cela finisse par bien marcher » . La solution à été trouvée à force de tâtonnements, initiés par chaque programmeur. « En gros on s'est jetés dans la piscine sans savoir nager » , résume Xavier Richter. « Je n'avais jamais programmé avant sous UDK, cela a été une découverte. Et un challenge » .

Une exploration avec son lot de déconvenues, souvent subies par l'équipe entière. Bruno résume : « Rapidement nous nous sommes aperçus que sur UDK une seule partie du code était programmable, le reste verrouillé. Or le moteur est plutôt orienté FPS et nous avons voulu y insérer un gameplay qui n'était pas naturel pour lui. Heureusement nous avions des contacts avec des programmeurs professionnels qui ont pu nous sortir d'affaire » . Mais les plus gros problèmes font souvent les plus grandes fiertés, comme l'explique Richard : « Mes meilleurs souvenirs sur ce projet sont tous venus de crises de nerfs face à quelque chose qui ne marchait pas. Car quand on arrivait enfin à faire fonctionner le tout, qu'on se rendait compte que cela marchait et que c'était beau, c'était l'explosion de joie » .

Derniers préparatifs

Pour autant, le chef de projet se serait sans doute passé de certaines difficultés. A la mi-mai, quinze jours avant le rendu final du jeu, quelques détails restaient à régler. Mais les plus petites choses ne sont pas forcément les plus aisées à corriger. Ainsi, l'équipe a longtemps buté sur l'aspect de l'eau, pas assez fluide, et sur les menus du jeu. Sans oublier que le jeu demandait une puissance que beaucoup de machines n'avaient pas. Les programmes proposés en version test à leurs amis et collègues ne marchaient donc pas toujours. Et quand c'était le cas, un autre hic se pointait: une difficulté un peu trop élevée qui risquait de lasser le joueur.

Durant la dernière semaine, l'équipe de Gerridae n'avait donc plus que des détails à régler. Mais des soucis de taille: la présentation du jeu et son accessibilité pouvaient le changer du tout au tout.

Lire la suite : « Gerridae » (3/5) : Dernière ligne d'eau

Onze étudiants lyonnais ont eu trois mois pour réaliser leur projet de fin d'études : un jeu nommé « Gerridae ». Nous les avons suivis. Vous pouvez retrouver le premier article : Un nouveau jeu est appelé araignée .

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