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Libération

Google, coupable de...

par Fabien Soyez
publié le 24 septembre 2010 à 15h47

Avec la venue de Google Instant , Google Suggest, qui comme son nom l'indique suggère des termes de recherche au fur et à mesure que l'on tape, a été absorbé. Même s'il est un peu moins utile depuis, on retrouve toujours, sous le formulaire de recherches, ses propositions. Des propositions souvent pertinentes, mais qui sont parfois assez surprenantes, voire carrément déplacées.

Le 8 septembre, le tribunal de grande instance de Paris a condamné Eric Schmidt , le PDG de la firme de Mountain View, pour diffamation. A l'origine, «Mr X.» se plaignait de voir son nom associé dans les suggestions automatiques à des termes peu reluisants tels que «violeur» , «sataniste» ou «prison» . Le plaignant, impliqué dans une affaire de corruption de mineure, avait été condamné, mais désirait désormais qu'on l'oublie. Problème : Google a une mémoire d'éléphant .

Selon le juge, Google est responsable des termes suggérés par Google Suggest. La firme devra supprimer toutes les suggestions associées au plaignant, et lui verser 5000 euros. Google s'est défendu en arguant que les suggestions ne sont que le fruit des «requêtes saisies antérieurement sur le même thèmes» . Mais pour le tribunal, il n'y a pas de assez de preuves qui montrent que les algorithmes ne sont pas avant tout «le fruit de l'esprit humain» , «avant d'être mis en œuvre» . «Les suggestions ne sont pas les mêmes sur Google Suggest ou dans les "recherches associées", ce qui qui laisse penser que les deux services ne reposent pas sur un pur calcul algorithmique neutre» .

Ce n'est pas la première fois que les algorithmes de suggestions de recherche sont dans le collimateur de la justice française. Le 4 décembre déjà , le même tribunal a condamné Google pour avoir associé automatiquement le nom du Centre national privé de formation à distance (CNFDI) et « arnaque ».

Le lancement de Google Instant a relancé les critiques contre les suggestions du moteur de recherche. Sur son blog , Jean Véronis, professeur de linguistique et d'informatique, parle ainsi de ces «surprises de l'auto-complétion» que l'on peut trouver sur Google. Par exemple, en écrivant «les juifs sont» , en s'arrêtant au «s», la réponse est : « les juifs sont radins ». Des résultats révélant surtout des stéréotypes racistes car, rétorque Google , il s'agit d'une «agrégation des requêtes les plus populaires» , et pas d'une vraie suggestion. Pour Jean Véronis, ces propositions tordues «nous aident surtout à savoir ce que les gens pensent de leur prochain.»

Ces deux jugements portés contre Google à neuf mois d'écart pourraient lui porter un coup sévère. A moins que l'entreprise californienne ne renforce sa vigilance. Aux Etats-Unis, Google détient et applique déjà des filtres. Ainsi, outre-atlantique, inutile de taper «jews are...», car vous ne trouverez absolument rien.

Mais étendre ce type de filtre à l'ensemble des recherches possibles et imaginables (ça fait beaucoup de recherches) relève de l'utopie. «Nous prenons cette question très au sérieux, et nous encourageons les utilisateurs à signaler les résultats de recherche qui vont à l'encontre de notre politique» , suggère la firme.

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