Ce qu'on appelle le «web», avec son réseau structuré de pages reliées entre elles par des liens hypertextes, existe depuis plus de vingt-trois ans. Entre deux et trois milliards d'internautes y naviguent tous les jours, tapant sur leur ordinateur, leur téléphone portable, et même aujourd'hui leur tablette tactile, des adresses commençant par «http://», «www» ou les deux à fois. Mais qui s'est déjà demandé ce que signifiaient ces absconses consonnes ? Jusqu'à aujourd'hui, apparemment pas grand monde : la question «que signifie WWW ?» a attendu l'année 2012 pour faire une remontée spectaculaire dans les requêtes les plus courantes chez les internautes français se servant de Google comme d'un dictionnaire.
Les délicieuses listes de Noël sont arrivées aujourd'hui, en provenance directe de l'atelier statistiques du père Google. Comme tous les ans, le leader des moteurs de recherche publie son Zeitgeist («l'esprit du temps», en allemand) pour découvrir «ce qui a occupé l'esprit des internautes cette année» en inspectant leurs recherches en ligne. Le site est très bien fait : on peut y parcourir les résultats pour le monde entier ou par pays et selon différents centres d'intérêt (célébrités, politique, sport, cuisine...). Et comme le podium des recherches les plus populaires ne varie pas tant que ça d'année en année, Google a choisi de mettre plus particulièrement en valeur les «tendances de recherche», qui montrent les plus grosses progressions de requêtes entre 2011 et 2012.
Dans l'Hexagone, c'est donc le jargon informatique qui commence enfin à préoccuper les internautes. Outre le world wide web , les surfeurs français se grattent également le menton devant l'acronyme «USB», qu'ils côtoient tous les jours en branchant clés et disques durs externes sur leur PC. Et ils ne sont pas sûrs de bien comprendre pourquoi leurs enfants ponctuent leurs textos de «LOL», à l'instar du Premier ministre britannique David Cameron, persuadé que les trois lettres signifient Lots of love . ). C'est sans doute lui, qui, subitement en panne d'expressions affectueuses pour signer ses missives, a googlisé avidement «Que signifie <3» et découvert l'existence du plus choupinou des smileys.
Il n'y a pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent sur la Toile française. Le succès de la requête «Free Mobile» rappelle la folle excitation provoquée par l'arrivée du quatrième opérateur mobile et de sa formule choc à 20 euros au mois de janvier. 2012 fut également marquée par la petite série « Bref », sur Canal+, « Secret Story » (sérieusement, les internautes ??) et l'«Euro» de foot, et tout le monde a cuisiné un «gigot d'agneau» avant de demander à Google «comment maigrir».
Au niveau mondial, les résultats sont plus intéressants, et les préoccupations plus sérieuses. La chanteuse «Whitney Houston» et l'acteur «Michael Clarke Duncan» doivent une spectaculaire progression dans les requêtes à leur décès, survenu au cours de l'année 2012, et le phénomène interplanétaire « Gangnam Style » n'a pas réussi à souffler l'«ouragan Sandy» hors du top 3. Du côté de Google+, le réseau social que tout le monde a oublié sauf une poignée de technophiles acharnés, les discussions deviennent carrément pointues : on y cause «SOPA», ce projet de loi liberticide qui a bien failli être voté aux États-Unis, «Curiosity», le robot envoyé sur Mars, «SXSW», le festival ciné/musical South by South West, et «I/O», la conférence de développeurs de Google. Quelque part, il est rassurant de voir que tout le monde n'est pas resté focalisé toute l'année sur «Kate Middleton» et l'«iPad 3».
De son côté, Twitter a aussi concocté un petit site -- extrêmement agréable à parcourir et à lire -- pour prendre le «pouls de la planète» avec un choix de rubriques bien pensé.
Les « tweets en or » sont ceux qui ont été le plus massivement retweetés : le sobre «Four more years» d'Obama à l'annonce de sa réélection, le bilan des Jeux olympiques par l'équipe britannique... (Justin Bieber ? Non, pas vu... Qui est-ce ?). La sélection de sujets ayant généré le plus de tweets fait ressortir sans surprise les compétitions sportives, les élections américaines et la danse du cheval, mais aussi, plus étonnamment, un événement organisé par les fans japonais du film d'animation Summer Wars qui consistait à tweeter «Yoroshiku onegaishimasu !» («s'il vous plaît !») en même temps que le héros , lors de sa diffusion à la télé.
Enfin, la catégorie « Exclusivement sur Twitter » recense quelques moments et photos dont le petit oiseau bleu a eu l'exclusivité : l'ascension de l'Everest par Nobukazu Kuriki, l'insémination artificielle d'un panda, un reportage de la BBC en Syrie... et la descente de James Cameron dans la fosse sous-marine la plus profonde au monde. On verserait bien une petite larme d'émotion, si on croyait un seul instant qu'il y a du réseau à 10898 mètres sous le niveau de la mer.