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Libération

Hard corps gamer

par Olivier Seguret
publié le 19 avril 2010 à 9h44

En sortant, mardi dernier, de la première présentation du système Natal en France, un tee-shirt était remis aux journalistes sur lequel figure le slogan : «J'ai joué avec mon corps» . Et c'est à cet instant qu'un véritable trouble a commencé à s'insinuer dans le cortex turpide de votre chroniqueur. D'abord, chapeau bas pour la malicieuse trouvaille : «jouer avec son corps» est en effet une excellente définition de la réelle nouveauté que Natal propose. Cet accessoire exclusif à la Xbox 360 sera disponible à Noël prochain. Il se présente sous la forme d'une caméra oblongue placée sous le téléviseur et face au(x) joueur(s). Il contient un système de reconnaissance visuelle et vocale qui permet la disparition de la manette : ce sont les mains, les bras, les jambes ou même la tête qui en font office. Cet accessoire, par ailleurs, peut en remplacer d'autres, comme les volants dédiés aux courses de voiture : avec Natal, on saisit un volant invisible, mais l'impact des mouvements est le même sur l'écran (moins les retours de force, naturellement).

Le Natal, présenté mardi à Paris, était encore à l'état de prototype, bien loin des spécifications annoncées pour la version finale du produit, qui sera détaillée au prochain E3 . La reconnaissance vocale, notamment, n'était pas opérationnelle dans la version testée.

Un casse-briques appelé Ricochet servait à la démonstration. Il s'agit de renvoyer une balle virtuelle vers un mur à détruire. Tous les membres du corps peuvent être sollicités dans ce but. Personne, parmi l'assistance de journalistes testeurs, n'ayant osé jouer avec son bassin, ses seins ou encore en état d'érection (la pudeur, sans doute), il n'est pas encore possible de confirmer si Natal permet de réellement jouer avec TOUT son corps. Cependant, on parie que n'importe quel humain freudiennement constitué imaginera très vite des tas d'usages farceurs et libidineux pour cette interface provocatrice. Du coup, la formule «J'ai joué avec mon corps» gagne encore en consistance. Avec Natal, il va falloir réfléchir à cette nouvelle médiation entre vie réelle et vie virtuelle que le jeu vidéo se propose de cultiver : après la disparition du fil, puis des manettes, la médiation directe par le corps. Il va falloir aussi méditer sur ce que signifie ce passage, qui rapproche le jeu vidéo de la psychanalyse et de Jacques Lacan pour lequel «On n'a pas un corps, on est un corps.» Natal joue exactement avec cette idée-là.

Paru dans Libération du 17/04/2010

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