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Libération

Instagram vend vos photos au kilo

par Camille Gévaudan
publié le 18 décembre 2012 à 18h08

Marutaro est un magnifique chien japonais de race Shiba-inu. Bien élevé, le poil brillant, toujours souriant, il fait le bonheur et la fierté de son maître, qui ne peut s'empêcher de le mitrailler et de poster deux ou trois photos sur Instagram tous les jours : Maru à la plage, Maru enroulé dans une écharpe, Maru devant le sapin de Noël... C'est si mignon qu'il pourrait devenir une mascotte.

Quelques photos de Marutaro sur Instagram

Tiens, mais voilà une bonne idée ! Elle n'a d'ailleurs pas échappé au directeur marketing de Croustipattes, une marque de croquettes pour chiens. L'homme a repéré le potentiel commercial de ce chien aux 278000 abonnés Instagram. Il sélectionne alors quelques uns de ses plus beaux portraits pour illustrer sa nouvelle campagne publicitaire, et y appose le logo Croustipattes. Parfait : ça va faire un tabac. Les bannières de pub seront affichées sur Instagram et toucheront directement ses millions d'utilisateurs. En plus de s'en mettre plein les poches, Croustipattes s'offrira une image de marque cool en faisant du chien-star son ambassadeur. Instagram touchera sa part pour avoir fourni les images. Et le propriétaire de l'animal, qui a pris les photos ? Nada. Il aurait dû mieux lire les conditions d'utilisation qui régissent Instagram : toutes ses photos peuvent être revendues à n'importe quel partenaire commercial sans son autorisation.

Ce scénario était une fiction, mais il deviendra théoriquement réalisable dès le mois prochain, quand entreront en vigueur les nouvelles conditions d'utilisation d'Instagram. Le 16 janvier 2013, tous les internautes disposant d'un compte sur cette ultra-populaire application de partage de photos y seront soumis. On peut déjà les lire en ligne , et s'attarder le temps qu'il faut sur le point n°2 de la section Rights :

«2. Le service peut être financé par la publicité. Pour nous permettre de fournir des contenus payants ou sponsorisés, vous acceptez qu'une entreprise ou autre entité puisse nous payer pour afficher votre pseudonyme, avatar, photos (ainsi que toutes les métadonnées associées), et/ou actions en ligne, dans du contenu payant ou sponsorisé, sans aucune compensation à votre égard.»

C'est donc écrit noir sur blanc : la pub va bientôt débarquer sur la plateforme, et tous les clichés uploadés sur Instagram peuvent servir de support publicitaire sans notification ni compensation. Et selon le point suivant des CGU, ce genre de transactions commerciales n'est même pas tenu d'être présenté comme tel : «Vous acceptez que nous n'identifiions pas toujours les services payants, le contenu sponsorisé ou les communications commerciales en tant que tels.»

L'apparition de ces nouvelles clauses devrait décourager un bon nombre de photographes de continuer à utiliser Instagram... Et si ce n'est pas le cas, un autre bouleversement pourrait s'en charger : toutes les données privées dont Instagram dispose ses utilisateurs seront désormais transmises à Facebook, qui a déboursé un milliard de dollars au mois d'avril pour mettre la main dessus . Dates et heures de connexion à Instagram, géolocalisation du téléphone, marque et modèle, statistiques d'utilisation, liste des abonnés, etc. : tout ce qui se chiffre, se quantifie ou s'archive dans une base de données ira rejoindre les précieux coffre-forts des serveurs de Facebook, qui stockent déjà beaucoup plus d'informations qu'il n'est raisonnable de le faire, et ne les effacent jamais .

Saviez-vous que le site Instaport permet de télécharger l'ensemble de ses photos Instagram dans un dossier .zip ? Et que l'application mobile de Flickr n'est pas mal du tout, et offre peu ou prou les mêmes fonctionnalités qu'Instagram, y compris des filtres moches ? On dit ça, on dit rien...

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