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Libération

Lionel Tardy : «Tout le monde est conscient que le truc est mort»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 16 juillet 2009 à 11h50
(mis à jour le 16 juillet 2009 à 12h32)

Hier, le député UMP Lionel Tardy rapportait en direct les débats au sein de la Commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet. Nous l'avons contacté pour faire un point sur la situation, avant le début des débats, mardi prochain, à l'Assemblée nationale.

Votre sentiment général suite à la réunion, hier, en Commission des affaires culturelles ?

_ On avait attaqué le matin par une réunion privative de quelques élus UMP. Face à nous, les deux ministres [Michèle-Alliot Marie et Frédéric Mitterrand] semblaient assez sûrs d'eux. Puis au fil des discussions, ils se sont rendus compte des problèmes d'inconstitutionnalité que pose le texte, et qu'il fallait rapidement passer à autre chose.

Quels arguments avez-vous particulièrement développés ?

_ Pour moi, l'introduction de l'autorité judiciaire a vidé le texte de son sens. Il comportait deux aspects, la pédagogie et la sanction. Et tout le système reposait sur les sanctions de masse. Or on est plus du tout dans la même volumétrie. La peur du gendarme ne marchera pas.

Après, j'ai souligné les dommages collatéraux de la loi. Par exemple qu'elle allait provoquer le développement du cryptage.

Tout ce qui m'intéresse, c'est que le texte ne soit pas retoqué à nouveau par le Conseil Constitutionnel. Ca serait un coup pour le gouvernement, et pour le parlement, car ça voudrait dire qu'on légifère mal. Les ministres disent avoir tenu compte des remarques du Conseil Constitutionnel, mais non. On s'attendait à ce que le texte soit entièrement revu, mais on essaie juste de contourner la décision du Conseil avec une façon de faire un peu acrobatique. Je leur ai répété que s'il y avait une deuxième censure, ils ne pourraient pas dire qu'on ne leur avait pas dit.

Les deux ministres ont participé aux débats ?

_ Non, comme on dit, ils ont «fait banquette». C'est principalement Franck Riester qui est intervenu. Frédéric Mitterrand veut qu'Hadopi soit oubliée, et enchaîner sur la prochaine étape, autour de la répartition des richesses et du développement d'une vraie offre légale qui, aujourd'hui, n'est pas en place. A plusieurs reprises, il a affirmé : «si je suis là, c'est pour faire bouger les choses».

Aussi, il a souligné que dans le monde des artistes ça commence à se retourner, que le rapport de force commence à changer. Finalement beaucoup de petits artistes se rendent compte qu'ils se mettent à dos leur public, alors qu'être téléchargé illégalement leur est utile. Et comme a dit quelqu'un : «avec votre système, vous allez surveiller au maximum 1000 vidéos et 10000 chansons, et pour le reste, les autres, rien ne sera fait».

Et Franck Riester s'accroche t-il toujours autant ?

_ Non, il s'est calmé, il est très différent. Il était beaucoup moins sûr de lui et péremptoire qu'il a pu l'être. Est-ce parce qu'il était face à Alliot-Marie et Mitterrand ? En tout cas, ça n'était pas le même rapport qu'avec Christine Albanel. Et il a aussi conscience qu'il faut passer à autre chose.

Quelle est aujourd'hui la stratégie du gouvernement ?

_ C'est de faire passer le texte au mieux.

Ca veut dire quoi «au mieux» ?

_ De résoudre certaines parties du texte pour qu'il ne soit pas de nouveau retoqué.

Et vous pensez qu'il entrera un jour en application ?

_ Non, je n'y crois pas.

Conclusion ?

_ Tout le monde est dans l'après-Hadopi. Même Michèle-Alliot Marie, au fur et à mesure de nos interrogations, s'est aperçue que ça n'était pas si simple. Tout le monde est conscient que le truc est mort et qu'il faut en sortir. Du coup, ils espèrent qu'il aura permis de faire évoluer les mentalités. De susciter une prise de conscience chez les ménagères de moins de 60 ans.

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