Menu
Libération

Mobile 4G : les réseaux d’y croire

par Catherine Maussion
publié le 22 février 2010 à 12h44

Les réseaux au bord de l'apoplexie ? Cette angoisse a alimenté le Salon mondial du mobile de Barcelone , qui s'achève ce week-end. Avec une série de question presque métaphysique…

Les réseaux vont-ils tenir ?

AT&T; aux Etats-Unis et O2 au Royaume-Uni reconnaissent crûment l'engorgement de leurs réseaux. New York est au bord de la syncope. Et le patron de RIM, dont les BlackBerry patinent, fustige «la congestion» , les «ruptures de connexion» . En France, les discours sont plus tempérés. N'empêche, «il y a régulièrement des alertes, notamment aux heures de pointe, dans les zones de bureaux, mais aussi là où il y a de grosses concentrations d'habitation ,souligne Olivier Cimelière, le directeur de la communication d'Ericsson. Oui, il y a un problème de montée en charge.» La faute, d'abord, aux clés 3G. Et aussi aux smartphones qui multiplient vidéos, streaming, jeux en ligne… En Europe de l'Ouest, a dévoilé l'institut d'études GFK, il s'est vendu 19 millions de smartphones en 2009. Le double de 2008. Même performance en France.

Ce succès, notamment dû à l'iPhone, est un calvaire pour les opérateurs. Et 2010 se présente très mal. A Barcelone, un déluge de nouveaux modèles a déferlé, à écran tactile et habiles à se connecter sur Internet, chez Samsung, LG, Motorola, Nokia… Avec une percée notable du géant Google et de son système d'exploitation fluide, Android. Des smartphones de plus en plus puissants. «Il n'y a plus de frontière marquée entre les smartphones, les mini-PC et les PC portables» , constate Frédéric Pujol, analyste à l'Idate (Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe).

Cette année, la menace est tapie dans un mot de quatre lettres : les «apps» , pour applications. Celles que l'on télécharge, par exemple, sur son iPhone. En 2010, prévoit l'institut Gartner, on devrait presque doubler le score de 2009, avec 4,5 milliards de téléchargements. Le hic : «Beaucoup sont mal configurées, et très gourmandes en signalisation.» Et sollicitent à tout bout de champ le réseau.

Comment booster le réseau actuel ?

«On peut d'abord densifier les sites» , explique un équipementier. Mais aussi évacuer le trafic mobile en le basculant sur le réseau fixe dès que possible, pour libérer de la place sur les fréquences radio. A Barcelone, Alcatel-Lucent a dévoilé une offre dédiée aux entreprises, à base de petites cellules (femtocell), afin d'améliorer la réception sur les mobiles au travail. Autre solution, augmenter le débit de la 3G. Orange va ainsi porter progressivement son réseau à 14,4 mégabits par seconde (Mbps) contre 7,2 Mbps aujourd'hui. Un débit qui profitera surtout aux usages professionnels.

Les équipementiers rivalisent d'annonces pour savoir qui affichera le plus gros débit. Début février, Ericsson a annoncé «un nouveau record du monde» , avec 84 Mbps. Peu ou prou ce que Free, Orange ou SFR promettent sur le réseau fixe, pour la fibre optique à domicile. Voilà que Nokia-Siemens dégaine du 112 Mbps ! Chez Alcatel-Lucent, on reste zen. Jean-François Pigeon, directeur marketing opérateurs pour le groupe : «Ce sont des performances qu'on obtient en combinant plusieurs bandes de fréquence.» Trop gourmandes en ondes radio pour être praticables dans la vraie vie. Tout cela est une histoire de gros sous, résume un équipementier. De fait, les opérateurs sont face à une équation diabolique : «Comment puis-je augmenter mes revenus en branchant toujours plus de mobiles, mais en investissant le minimum, ceci pour ne pas détériorer mes ratios» , dit-on chez Ericsson.

Comment tenir le choc à plus long terme ?

Retenez ces trois lettres : LTE, pour Long Term Evolution. Tous les cinq à huit ans, le réseau mobile fait sa mue. Au début était la 2G puis, aujourd'hui, la 3G. Avant l'arrivée, demain, de la 4G. Pour mériter l'appellation, il faut atteindre 100 Mbps minimum. Avec la LTE, on y est presque. Et au terme de son évolution, la techno doit être capable d'afficher du 1 000 Mbps ! «Attention, ce sont des débits de crête, le débit max que l'on obtient sur une cellule, à partager entre tous les utilisateurs» , prévient Frédéric Pujol.

Et l'on aura bien besoin de cette puissance. Prédiction de Jean-François Pigeon : «Il va y avoir une prolifération d'objets communicants qui vont démultiplier le trafic sur le réseau.» Et d'évoquer les «voitures connectées» où l'on aura accès aux cartes de circulation, à la télévision et à Internet haut débit. Ou encore ces appareils photo expédiant à la volée leurs clichés. «Le réseau mobile est en train de devenir une extension sans fil du réseau fixe» , ajoute le spécialiste.

Cela suppose que les opérateurs tirent la fibre optique au pied de dizaines de milliers d'antennes mobiles. Encore un challenge. Stockholm a déjà son embryon de réseau LTE , construit par Ericsson. Verizon promet d'ouvrir le sien aux États-Unis en 2011, juste avant AT&T.; Sur le territoire français, Orange, SFR ou Bouygues développent des pilotes, des tests, pour un déploiement de réseau à l'horizon 2013. Derrière la crise d'apoplexie, il y a toujours de quoi oxygéner des perspectives de business.

Paru dans Libération du 20/02/2010

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique