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Libération

Nokia et Microsoft, une alliance téléphonée

par Camille Gévaudan
publié le 11 février 2011 à 14h22
(mis à jour le 16 avril 2012 à 11h30)

C'est en filant l'impressionnante métaphore d'une plateforme pétrolière en feu que le PDG de Nokia avait, ces derniers jours, tiré la sonnette d'alarme sur la situation de son entreprise et annoncé la mise en place imminente de mesures drastiques destinées à sauver sa peau. Le plan de sauvetage a été dévoilé ce matin, et repose principalement sur un partenariat stratégique avec Microsoft pour équiper les futurs mobiles Nokia du système Windows Phone.

Pour Stephen Elop, son patron, l'histoire récente de Nokia est un peu celle d' «un homme qui travaillait sur une plateforme pétrolière en Mer du Nord. Il s'est réveillé une nuit à cause d'une forte explosion, qui a soudainement mis l'ensemble de sa plateforme pétrolière en feu. (...) Comme le feu s'est approché de lui, l'homme n'avait que quelques secondes pour réagir. Il ne pouvait se tenir debout sur la plateforme, et, inévitablement être consommé par les flammes. Ou, il pouvait plonger à 30 mètres de haut dans les eaux glacées. L'homme était debout sur une « plateforme en feu » et il devait faire un choix.»

L'œil de Simon Giraudot pour le Geektionnerd - CC BY SA

Les flammes menaçantes, bien sûr, représentent les concurrents. Car si Nokia est encore aujourd'hui le leader mondial de la téléphonie mobile, son activité est de plus en plus menacée par la déferlante iPhone et les vagues montantes Android et Backberry, à la pointe de l'innovation sur les smartphones tactiles et engloutissant impitoyablement les parts de marché du Finlandais. De 40% il y a trois ans, elles sont tombées à 32% à la fin 2010, tenant le choc grâce à un quasi-monopole conservé dans les pays émergents (Afrique, Amérique du Sud, Asie) alors que les marchés européens et nord-américains ont largement basculé vers les smartphones haut-de-gamme made in Apple, RIM et Google (via son système d'exploitation mobile).

«Apple a démontré que s'il est bien conçu, les consommateurs achètent un téléphone haut de gamme avec une grande expérience, et les développeurs créent des applications. Ils ont changé les cartes du jeu» , analysait Stephen Elop dans son mémo interne. Même topo du côté de Google : «en deux ans environ, Android a créé une plateforme qui attire les développeurs d'applications, les opérateurs et les fabricants de matériel. Android est parti du haut de gamme, ils sont maintenant en train de gagner le milieu de gamme. Google est devenu une force gravitationnelle, en tirant une grande partie de l'innovation de l'industrie vers son noyau.»

Humblement, le PDG canadien a reconnu les erreurs stratégiques passées qui ont fait perdre à Nokia les marchés de l'innovation : «Nous sommes restés derrière, nous avons raté les grandes tendances, et nous avons perdu du temps. À cette époque, nous pensions prendre les bonnes décisions, mais, avec le recul, nous avons plusieurs années de retard.»

Le smartphone N8, sorti fin 2010, a tenté de rattraper une partie de ce retard technologique (écran tactile multipoints, appareil photo et vidéo d'excellente qualité...) pour y ré-apposer la signature du savoir-faire historique des ingénieurs finlandais. Mais si la carcasse de l'appareil n'a pas à rougir, son système d'exploitation maison , Symbian 3, est incapable de rivaliser avec les nouveaux leaders du genre. «Nos concurrents ne sont pas en train de prendre nos parts de marché avec des appareils, ils prennent nos parts de marché avec tout un écosystème résumait Elop, transfuge de Microsoft arrivé chez Nokia en septembre 2010. Cela signifie que nous allons devoir décider comment nous allons soit construire, soit catalyser ou rejoindre un écosystème.»

C'est la dernière de ces pistes qui a finalement été adoptée : désormais, une large partie des smartphones Nokia délaisseront Symbian au profit de Windows Phone, le système d'exploitation mobile de Microsoft disposant déjà d'un marché d'applications fourni (7000 titres à ce jour). L'autre solution maison, MeeGo, passera en open-source et équipera le haut de la gamme smartphone pour tester de «nouvelles expériences» . Durant la période de transition (2011-2012), Nokia espère vendre encore 150 millions de terminaux sous Symbian. «Mais qui voudra d'une plate-forme sans avenir ?» ironise Silicon.fr . Peut-être pas les actionnaires : en fin de matinée, l'action de Nokia avait chuté de 10%.

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