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Libération

Pas perdu pour la Toile

par Alexandre Hervaud
publié le 5 mai 2010 à 17h21

Comme pour à peu près toutes les séries TV américaines contemporaines, la relation entre Lost et Internet peut grosso modo se résumer à trois niveaux : com, réseau de fans et piratage. Et dans ces trois domaines, Lost atomise la concurrence.

En terme de promo, la série a rapidement compris les avantages du Net pour faire du ramdam : promo virale avec faux sites du genre FlyOceanicAir.com du nom de la compagnie aérienne de la série, jeux vidéo, webisodes produits pour le Net et les téléphones portables, et bien d'autres contenus spécifiquement créés pour la toile, comme Lost Untangled . Cette hilarante websérie résume la série avec des figurines, marionnettes et autres petits jouets animés à l'arrache et doublés par des fans avec l'aval de la production. Citons également les podcasts officiels (audio et vidéo) disponibles sur le site de ABC : des making-of courts mais bien foutus, du papotage entre les patrons de la série Carlton Cuse et Damon Lindelof, etc. Le fan avide d'infos a ainsi de quoi se mettre sous la dent, d'autant que les deux gaillards sont aussi bavards sur Twitter. Hier, c'est avec émotion qu'on a pu lire, sous la plume de Cuse : «Nous sommes à quelques heures de la fin du montage. On vit dans cette salle jour et nuit depuis six jours» . Suivi d'un définitif «On a fini. Amen» .

Les fans jouent un rôle déterminant dans l’aura de cette série pas évidente à suivre pour les néophytes ou les distraits : scénarios à tiroirs, personnages nombreux aux ramifications complexes, parfum de théorie du complot… Tous les ingrédients nécessaires pour entretenir l’addiction des aficionados et mettre à profit leurs imaginations parfois débordantes quand il s’agit de parier sur les dénouements de telle ou telle intrigue.

Au-delà des classiques sites de fans et autres forums spécialisés, Lost a entraîné la création d'une véritable encyclopédie retraçant sa mythologie, la collaborative Lostpedia . Créée en 2005 par un certain Kevin Croy, cette plate-forme propose désormais plus de 7 000 articles liés à la série. Un travail titanesque, mais «la communauté fait du beau boulot pour expurger tous spoilers, spams et autre vandalisme» , confiait récemment Croy à Wired , qui s'avoue persuadé d'avoir créé un site utilisé par les producteurs du show pour «jauger instantanément la réaction et la compréhension du public» .

Si le Net est un allié de poids, il constitue également un sérieux adversaire du modèle de diffusion traditionnelle. Entre sa première et sa dernière saison, Lost , qui attirait une moyenne de 15 millions de téléspectateurs américains en 2004, est passé cette année sous la barre des 10 millions. Une érosion que l'on peut certes expliquer par le départ de nombreux fans lassés par les heures sombres du show (les saisons 2 et 3, décevantes), mais aussi par les nouveaux moyens d'apprécier la série. ABC met ainsi à disposition sur son site les épisodes (uniquement accessibles depuis les Etats-Unis) dès le lendemain de leur diffusion. D'après une étude de Nielsen parue en 2009, Lost est de loin la série la plus regardée sur le Net outre-Atlantique, et encore, sans compter Hulu, la très prisée plate-forme de catch-up.

Mais au-delà de ces vitrines légales, qui permettent par exemple aux fans français de découvrir en même temps que leurs homologues ricains Lost en VoD via TF1 Vision ou iTunes, c'est bel et bien en matière de téléchargement illégal que la série enchaîne les records. Lost est ainsi régulièrement classée première du top des séries les plus téléchargées en peer-to-peer par le site TorrentFreak , à raison de 6 millions de fois par épisode. Il y a un an, Cuse disait à Libération : «On vit dans un monde unique, technologiquement parlant, et on doit être capables de fournir une série partout quasiment au même moment.» Dès sa mise en ligne le 24 mai, l'ultime épisode de Lost pourrait bien faire péter le box-office virtuel comme jamais.

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