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Libération

Patrick Bloche : «On va avoir une usine à gaz, un monstre juridique déjà dépassé»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 14 septembre 2009 à 13h21

Le député PS de Paris Patrick Bloche fait partie des opposants les plus virulents à Hadopi.

Comment abordez-vous le vote de demain ?

_ Les débats ayant eu lieu en juillet, il y a un côté réchauffé. Et comme c’est un vote solennel, la majorité sera majoritaire. Mais il est toujours intéressant de voir combien de députés ne vont pas se déplacer, vont s’abstenir ou voter contre. Ensuite, dès le lendemain, il aura la Commission Mixte Paritaire, et, de même, il n’est jamais inintéressant de voir ce que vont lâcher les sénateurs et députés. Puis le texte va repasser au Sénat et à l’Assemblée nationale le 22 septembre. La, oui, on sera dans la formalité. On va donc suivre tout ça, mais je pense qu’il ne va pas se passer grand-chose.

Vous allez déposer un recours au Conseil Constitutionnel ?

_ Oui. On est en train de le préparer, et on le déposera quelques jours après le vote du 22. Maintenant Hadopi 2 n’est pas Hadopi 1, il ne faut pas anticiper l’avis du Conseil. On ne peut ni dire « ils ont censuré Hadopi 1, ils vont donc censurer Hadopi 2 », ni « ils ont censuré Hadopi 1, ils ne vont donc pas censurer Hadopi 2 ».

Quels seront les principaux points d’anti-constitutionnalité que vous comptez soulever ?

_ Sur l'ordre pénal, il y a quelques bouleversements qui devraient particulièrement sensibiliser le Conseil, notamment les anciens magistrats. Par exemple l'extension de l'ordonnance pénale. Et le fait d'obtenir une ordonnance pénale avec un juge unique et d'ajouter une exception supplémentaire au droit d'auteur permettant aux ayants droit de demander des dommages et intérêts .

Et ensuite ?

_ Fin octobre, une fois qu'Hadopi 2 aura passé le cap du Conseil Constitutionnel, on a fait le pari que la loi ne s'appliquera pas plus que la Dadvsi, qu'elle n'aura pas les effets annoncés. En séance, Christine Albanel avait indiqué que la loi visait à installer un « cadre psychologique » , et ils pensaient que le bruit fait autour de la loi suffirait. Mais leur bruit a été perturbé par le vote du 9 avril et par la censure du 11 juin.

Que pensez-vous de la mission confiée à Patrick Zelnick ?

_ C'est la reconnaissance par le gouvernement de son échec. Il croit si peu en Hadopi qu’il est amené à mettre en place une mission pour la rémunération des auteurs. Il y a paradoxe et contradiction. Normalement le but de la loi Dadvsi, puis d’Hadopi, était d’inciter les internautes à migrer vers l’offre légale.

Quel bilan général tirez-vous de la saga Hadopi ?

_ C'est le schéma de la Dadvsi. Issue d'une directive européenne signée en 2000, Dadvsi avait 5 ans de retard, et a été chargée par les lobbys français. Ici, on a la même chose. La mission Olivennes fêtera ses deux ans quand Hadopi 2 va être promulguée. On va avoir une usine à gaz, un monstre juridique déjà largement dépassé par la technique et par les enjeux et usages bouleversés par Internet.

Je crains que les plus pénalisés ne soient les artistes. En refusant la licence globale il y a trois ans, puis la contribution créative, on va rester dans ce cadre très régulé, où les plus puissants vont développer des dispositifs de licence privée et récupérer du fric sans qu'il ne soit réellement distribué. Dans une tribune dans Les Echos , Jean-Bernard Lévy, le président de Vivendi , parle de l'accord entre Universal Music et YouTube, donc Google, pour développer Vevo. Le site, qui sortira aux Etats-Unis à la fin de l'année, diffusera des clips, vendra de la musique en ligne, etc. «Il profitera de l'énorme trafic de YouTube et en contrepartie nous leur verserons une redevance» , explique Lévy. Il y a bien de l'argent qui va circuler, mais les artistes ne verront jamais un centime de tout ça.

Faciliter l’accès aux contenus et au savoir doit être l’un des piliers de toute politique culturelle. Donc dès le début, ils avaient tout faux. Il faut tout inventer, mais ça, c’est devant nous.

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