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Libération

Presse : Google bientôt sans titres dans son moteur ?

par Isabelle Hanne
publié le 18 octobre 2012 à 17h55
(mis à jour le 19 octobre 2012 à 16h07)

Dans un courrier apparemment courroucé, Google France menace de ne plus référencer les médias français dans son moteur de recherche, s'il doit s'acquitter d'une taxe voulue par les éditeurs de presse.

Google «ne peut accepter» que l'instauration d'un tel droit «mette en cause son existence même et serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français» , écrit le moteur dans un courrier adressé à plusieurs cabinets ministériels , que s'est procuré l'AFP.

«Je suis un peu surprise par le ton de cette correspondance, qui s'apparente à une menace, s'est étonnée Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la Communication. Ce n'est pas avec des menaces qu'on traite avec un gouvernement démocratiquement élu» .

Dans sa lettre, Google rappelle qu'il «redirige quatre milliards de "clics" par mois vers les pages internet des éditeurs» français. Pour Google, «en réalité, l'ambition de ce texte est d'interdire le référencement non rémunéré. Une telle loi aboutirait à limiter l'accès à l'information, à réduire le nombre de sites français référencés sur internet mais aussi à freiner l'innovation». Le projet de texte actuel, «en soumettant le référencement à rémunération et punissant le défaut de versement de celle-ci de trois ans d'emprisonnement et de 300000 euros d'amende, ne ferait que multiplier les conflits et ralentir l'internet» , écrit-il encore.

«Google se place immédiatement en arbitre et en censeur, s'agace Denis Bouchez, directeur de l'association de la Presse d'information politique et générale (IPG), à l'origine de la proposition de loi sur cette taxe Google. On a toujours dit que les deux parties, éditeurs comme moteurs de recherche, ont besoin les uns des autres. Ce que nous visons, c'est la publicité que tire Google de l'indexation des mots-clé. Il faut non pas réguler l'internet, mais réguler l'économie d'internet. C'est dans l'intérêt de tous les acteurs.»

Cette missive de Google - «une note blanche, et non une lettre» , nous dit-on - n'a sans doute pas fuité à l'AFP par hasard. Hier après-midi, lors de son audition par la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti s'est clairement prononcée en faveur d'une loi permettant de taxer les moteurs de recherche. «Parmi les outils qu'il me semble important de pouvoir développer, a affirmé la ministre, alors sur le chapitre des aides à la presse, je pense qu'il y a cette idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse, ce que l'on a appelé un peu facilement la "Lex Google", qui me semble extrêmement pertinente.»

Autre coïncidence, simultanément à la publication de la dépêche AFP, la ministre déléguée en charge de l'Economie numérique, Fleur Pellerin, rencontrait à Berlin la ministre fédérale de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (FDP, libérale), à l'origine de la Lex Google outre-Rhin. Les menaces de Google auront en tout cas accéléré les choses, puisque demain après-midi, des représentants de Google France, qui demandaient un rendez-vous depuis plusieurs semaines, seront reçus par le cabinet de Fleur Pellerin.

Début septembre, les éditeurs de presse français, réunis au sein de l'association IPG, avaient soumis au gouvernement une proposition de loi pour taxer les revenus publicitaires des moteurs de recherche. S'inspirant de la Lex Google allemande, les éditeurs demandent la création d'un droit voisin. Les moteurs de recherche (surtout Google) devront payer une «juste rémunération» , avait expliqué Nathalie Collin, coprésidente du groupe Nouvel Observateur (ex-coprésidente de Libération ) et présidente de l'association de la presse IPG, quand le résultat de la recherche de l'internaute, le «search», référence des liens qui pointent vers leurs sites. En échange, les éditeurs «s'engagent à renoncer à leur droit d'interdire l'indexation de leurs contenus par les moteurs de recherche» , avait-elle précisé.

Google a déjà mis à exécution de telles menaces. A l'été 2011, suite à une plainte des éditeurs de presse en Belgique, Google avait déréférencé complètement les médias du pays pendant plusieurs jours, jusqu'à ce qu' un accord soit trouvé .

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