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Libération

TNT : les candidates bourrent le PAF

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 12 janvier 2012 à 9h12
(mis à jour le 12 janvier 2012 à 12h06)

Nous, on a déjà notre candidate. Celle qui, nous en faisons un point d’honneur et un casus belli aussi, doit absolument figurer dans la sélection des six nouvelles chaînes en HD que va effectuer le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) maintenant qu’il a clos --c’était mardi, à minuit-- son appel d’offres. Oui à Amis TV, la chaîne proposée par Reha Hutin ; oui à la télé des minous et des chienchiens.

Mais il va falloir être fort : le combat sera rude tant les candidatures se sont multipliées en bout de course. C’est qu’il s’agit certainement là de la dernière ouverture du PAF avant des lustres. Et il grossit à vue d’œil : de six chaînes qu’il comptait en 2005 avant le lancement de la TNT, le paysage audiovisuel français en est aujourd’hui à dix-neuf ; et une fois choisies les six nouvelles, en mars, il affichera cet automne vingt-cinq chaînes --dont la majorité, sinon la totalité, devraient être gratuites-- accessibles à tous, maintenant que la TNT a totalement supplanté la diffusion analogique.

Qui seront donc celles qui viendront compléter ce paysage ogresque ? Pas une chaîne Canal+ en tout cas, puisque le groupe a annoncé hier ne pas avoir déposé de dossier de candidature. Et ce, après avoir fait tourner le PAF en bourrique avec son projet de Canal 20 gratuite qu'elle comptait présenter en guise de chaîne bonus (qui devait être octroyée automatiquement fin 2011 à TF1, Canal+ et M6 et a finalement été retoquée par Bruxelles). Et aussi avec son rachat surprise des chaînes de Bolloré Direct 8 et Direct Star sur la TNT gratuite en septembre dernier. Eh bien justement, explique Rodophe Belmer, patron de Canal +, «il y a deux raisons principales au fait que nous ne présentions pas de candidature :d'abord, notre priorité, c'est de réussir l'intégration de Direct 8 et Direct Star dans le groupe Canal+ en travaillant sur de nouvelles grilles. Ensuite, on veut être capable d'investir dans la TNT payante.»

Rien compris ? Normal : il faut passer cette déclaration dans le traducteur langue de bois-français, et on saisit enfin: «On ne veut pas d’ennuis avec l’Autorité de la concurrence, et encore moins avec le CSA.» Le rachat des chaînes Bolloré par Canal+ doit en effet obtenir le feu vert de ces deux instances. Or, chaque groupe télévisuel a droit à sept chaînes maximum, et Canal+, une fois le rachat de Direct 8 et Direct Star finalisé, se retrouvera à huit et devra en rendre une. Si on ajoute à cela une autre candidature à la TNT, ça complique le travail de l’Autorité de la concurrence et du CSA, qui doivent calculer obligations et autres joyeusetés. Bref, Canal + a décidé de faire profil bas. Autre subtilité, Canal + pourrait n’avoir pas complètement renoncé à sa chaîne bonus, puisque cette dernière n’a toujours pas été abrogée dans la loi. Tiens, tiens…

Pendant ce temps-là, les autres chaînes historiques s'en sont donné à cœur joie, proposant projet rutilant sur projet rutilant. TF1 y va --bonheur-- d'une chaîne de télé-achat, d'une chaîne pour les femmes, Stylia , et d'une autre consacrée à la création à l'intitulé également très créatif, HD1. Chez M6, on avance trois pions, totalement différents de ceux de la Une (c'est pour rire, hein) : M6 Famille, M6 Boutique la chaîne et une autre au nom encore inconnu qui sera consacrée aux documentaires et aux magazines. France Télévisions enfin… ah non, pas France Télévisions, que le gouvernement n'a pas autorisé à faire acte de candidature.

Les chaînes nées avec la TNT, celles qui font tant de mal à TF1 et consorts, ont toujours les dents qui rayent le PAF. NRJ, dont l’apport au développement de l’humanité grâce à NRJ12 n’était manifestement pas suffisant, annonce Chérie HD (pour les femmes, oui, le PAF est un puits sans fond d’imagination), My NRJ (pour les petits cons) et, pour les vieux, Nosta la télé, dont le nom est bel et bien une évocation de la radio du même, également dans le giron du groupe.

Alain Weill du groupe NextRadioTV (BFM, RMC) présente, lui, trois chaînes : une de sport ( RMC Sport HD ), une de découverte (RMC Découverte) et une d'économie ( BFM Business ). Il indique à Libération vouloir «deux licences, et il ne nous paraît pas illégitime d'en avoir trois» . Pourquoi ? «Nous, nous avons cru à la TNT il y a six ans, et nous avons doublé l'audience de nos concurrentes avec BFM TV.» Selon Weill, ses projets sont «des chaînes réalistes, qui à terme coûteront 50 millions d'euros et correspondent au marché pub» .

Mais RMC Sport a du plomb dans l'aile depuis que la rivale L'Equipe HD présentée par le groupe Amaury a obtenu le soutien du Comité olympique français. Pour François Morinière, DG du groupe L'Equipe, la chaîne qui a pour ambition de «raconter le sport» est «un espoir de diversification» pour le groupe de presse en perte de vitesse. Enfin, cet appel d'offres voit une arlésienne du PAF refaire son apparition : Elle TV, cornaquée par le groupe Lagardère et déclinée du magazine du même nom.

Rien que du vieux ? Pas tout à fait. Parmi les à peu près nouveaux, outre notre chouchou Amis TV , on dénombre Guysen TV , une chaîne d'infos francophone israélienne ; VÎA (ouf, c'est un nom de code), une télé sur «l'art de vivre» conçue par Vivolta (l'ex-chaîne des vieux reconvertie dans les femmes) associée à l'américain Discovery ; IDFrance 1 (chouette nom), imaginée par Jean-Luc Azoulay et dévolue à la fiction, une «chaîne urbaine» soutenue par Luc Besson… Ainsi que, déposé par Le Figaro, le projet d'une chaîne… météo ! Voir Serge Dassault présenter la météo aéronautique… On a hâte de connaître la décision du CSA à la mi-mars.

Paru dans Libération du 11 janvier 2012

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