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Libération

Usenet toujours dans la ligne de mire

par Astrid GIRARDEAU
publié le 16 juillet 2008 à 14h14

Et de cinq. Après Verizon, Sprint et Time Warner Cable, deux autres fournisseurs d'accès Internet (FAI) américains ont accepté, la semaine dernière, de couper l’accès à des sites et et à des newsgroups dans le cadre de la lutte contre la pédopornographie. A la tête de cette croisade, le procureur général de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, s'est félicité de la signature d' AT&T; et d'AOL.

Il y a un mois , sous la menace de Cuomo, Verizon, Sprint et Time Warner Cable acceptaient de collaborer et de jouer les gendarmes d'Internet sur leurs réseaux. En signant cet accord, ils s'engageaient à couper l'accès aux sites et aux newsgroups, les groupes de discussion de Usenet, à caractère pedo-pornographique, selon la liste maintenue par le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) . Un accord applaudi par Arnold Schwarzenegger, le gouverneur de Californie qui invitait l'association des fournisseurs d'accès à Internet de Californie «à se joindre la lutte contre les prédateurs en ligne.» Mais très vite, on apprenait que les FAI n'allaient pas se limiter à bloquer l'accès aux quelques newsgroups répertoriés dans cette liste noire, mais à une grande partie (la hiérarchie « alt. ») voire à l'ensemble de Usenet, l'un des plus anciens protocoles d'Internet.

Sur son nouveau site NY Stop Child Porn (New York arrête la pornographie enfantine), le médiatique Cuomo continue la diabolisation de Usenet en expliquant avoir «trouvé une source importante de pédo-pornographie en ligne, connue sous le nom de Newsgroups» . Par ailleurs, il demande aux cinq FAI signataires, dont quatre des plus importants outre-atlantique, «de purger les serveurs hébergeant des sites de pédo-pornographie» . Une mise en scène -- le mot «purger» revient six fois dans le communiqué de presse -- et un mélange des genres pour dire que les hébergeurs (et non les fournisseurs d'accès) vont devoir supprimer de leurs serveurs les contenus notifiés comme illégaux. Ce qui se fait déjà couramment. Le site propose également aux internautes d'envoyer à leur fournisseur une lettre (PDF) pour lui demander de rejoindre le procureur général Andrew Cuomo dans sa lutte «pour un Internet plus sain pour tous» .

Pour AOL, ce n'est pas un grand chamboulement. Comme le rappelle CNET , l'opérateur américain bloque déjà l'accès à Usenet depuis trois ans. De son côté, le porte-parole d'AT&T; a annoncé qu'ils allaient bloquer l'accès à ses utilisateurs de toute la hiérarchie « alt.».

Le problème n'est bien entendu pas la lutte contre la pédo-pornographie, mais les moyens mis en œuvre pour y arriver. Penser supprimer la pédo-pornographie en ligne en supprimant l'accès à Usenet semble non seulement inefficace, mais dangereux pour la liberté d'expression et la neutralité d'Internet , la base historique du réseau. La France n'est pas en reste avec la préparation de la charte dite sur la « confiance en ligne » . Le 10 juin dernier, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, annonçait hâtivement avoir signé conclu un accord avec les fournisseurs d'accès français pour bloquer une liste noire de sites et de forums de discussion. Point de signature pour le moment, mais les FAI français se sont dit favorables sur le principe.

Sur le même sujet :

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