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Libération

Blocage à l'anglaise

par Virginie Malbos
publié le 29 juillet 2011 à 17h39
(mis à jour le 29 juillet 2011 à 17h40)

C'est la règle à Hollywood : tout se finit toujours bien. Mais pas forcément pour tout le monde. Hier, c'est l'Internet sans blocage qui en a fait les frais. Dans un arrêté , la justice britannique a ordonné à l'opérateur de télécoms BT Group - premier fournisseur d'accès en Grande Bretagne avec plus de cinq millions d'abonnés - de bloquer l'accès au site Newzbin2, après une requête de la Motion Picture Association (MPA). Le groupe qui défend les intérêts des studios de cinéma d'Hollywood: Fox, Universal, Warner Bros., Sony, Paramount et Walt Disney, vient ainsi de gagner le deuxième round de son combat contre ce site faisant office de moteur de recherche censé faciliter le téléchargement d'oeuvres, et en particulier de films, protégées par les droits d'auteur.

Autrefois basé en Grande-Bretagne, Newsbin a été interdit en mars 2010, à la suite d'une plainte de la MPA. Il lui était reproché de pousser au piratage, et d'être complice de contrefaçon, en classant par exemple les suggestions de liens vers des oeuvres dans des rubriques et sous rubriques bien précises. Après cette décision en première instance, les créateurs du site avaient alors placé leur entreprise en liquidation judiciaire, avant de créer, quelques semaines plus tard une nouvelle version : Newzbin2, en Suède. Grâce à cet exil, le site, qui a conservé le même contenu et la même adresse, ne pouvait plus être interdit sur la toile. La MPA a donc lancé une seconde action en justice, demandant cette fois son blocage afin que les internautes anglosaxons ne puissent plus y avoirs accès. Une première. Jamais la justice britannique n'avait été saisie pour obliger un fournisseur d'accès à internet à bloquer un site, au nom de la législation sur la protection des droits d'auteurs.

Cette décision qui sanctionne en partie le non respect du premier jugement obligera donc BT Group a ajouter Newzbin à sa liste noire de noms de domaines et d'IP bloqués, aux côtés des sites pédopornographiques . Elle crée surtout un précédent qui devrait désormais motiver les plaintes des studios de cinéma, maisons de disques et autres ayants droit en Grande-Bretagne. Mais aussi les conforter dans leur lobbying aux Etats-Unis pour parvenir aux mêmes buts. En effet, nombre d'entre elles soutiennent fermement la création d'une nouvelle loi américaine visant à protéger les œuvres déposées sous brevet ou relevant du droit d'auteur. Approuvé fin mai par une commission du Sénat, ce Protect Ip Act (Pipa) devrait, s'il parvient au bout du processus législatif, autoriser le ministère de la Justice à demander une ordonnance aux tribunaux afin de rendre invisibles les sites proposant des fichiers illégaux. Le principe de souveraineté n'aurait alors plus cours: même les sites basés à l'étranger seraient concernés.

Avec Pipa, les différents acteurs du web seraient fortement conviés à participer aux blocages: des moteurs de recherche invités à ne plus référencer ces sites, aux régies publicitaires et sociétés de paiement en ligne contraintes à ne plus leur apporter de revenus complémentaires. Des entreprises, comme les ayants droit, auraient aussi la possibilité de demander aux tribunaux une ordonnance, sans passer par le Ministère de la Justice. Pas sûr qu'on réclame une suite de ce film là à Hollywood.

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