Ubuntu: OpenOffice viré d'office

par Camille Gévaudan
publié le 8 février 2010 à 16h47
(mis à jour le 8 février 2010 à 18h11)

C'est un sacré ménage de printemps que va connaître la prochaine version d'Ubuntu, Lucid Lynx , à sa sortie en avril 2010. On avait appris en novembre que GIMP , la plus sérieuse alternative libre à Photoshop, disparaîtra de la liste des programmes pré-installés sur la populaire distribution de Linux. Trop lourd, trop complexe à prendre en main, et trop rarement utilisé chez une majorité d'utilisateurs pour garder la place qu'il occupait depuis la nuit des temps (c'est-à-dire depuis la première version d'Ubuntu, en 2004). Il sera remplacé par F-Spot , un gestionnaire de photos à l'interface proche de Picasa ou iPhoto.

Vendredi, le site Digitizor rapportait qu'un autre logiciel incontournable pourrait être partiellement laissé de côté : OpenOffice (OpenOffice.org, ou OOo pour les intimes). L'idée a été lancée dans une discussion sur la prochaine Ubuntu Netbook Edition , conçue pour les mini-portables. Rick Spencer, responsable du développement d'Ubuntu, part de l'hypothèse que l'édition pour netbooks «fournit trop d'applications par défaut» alors que ces ordinateurs «ne sont pas utilisés comme des stations de travail» . Il remet donc en question l'utilité de tous les logiciels concernés pour gagner de la place sur le système d'exploitation et se concentrer sur les usages in the clouds . Une stratégie similaire à celle de Google pour leur futur Chrome OS , considérant -- peut-être trop rapidement -- que les netbooks sont principalement utilisés pour surfer sur Internet et ne nécessitent pas de solutions bureautiques approfondies.

Mais avec quoi ouvrirait-on les textes, tableurs et présentations, dans ce cas ? Le contributeur Asac propose ce qui lui semble être l'une des solutions les plus simples : «importer automatiquement les .doc etc. dans Google Docs quand on double-clique dessus, en ouvrant le navigateur avec l'URL correspondante.» Aucune décision n'a encore été annoncée officiellement, même si la liste des changements envisagés indique : «No office at all - DONE» («Pas de bureautique du tout - FAIT»). Même au stade d'idée à creuser, la nouvelle provoque un tollé chez les développeurs. Certains, à l'image de Philippe Coval, ont du mal à y croire : «Quand j'ai lu la news sur linux.slashdot , j'ai cru que c'était un poisson d'avril.»

Assigner Google Docs comme application par défaut pour les tâches bureautiques engendrerait autant de limitations techniques que de volte-faces éthiques. Concrètement, cela signifierait que les documents ne pourraient pas être modifiés, lus ou même ouverts si l'ordinateur est hors-ligne. Il serait nécessaire de posséder un compte Google (ou de s'en créer un) pour utiliser le service, dont les fonctionnalités sont d'ailleurs simplifiées à l'extrême et bien inférieures à celles d'OpenOffice. C'est enquiquinant, mais ce n'est pas le pire.

Plusieurs développeurs voient dans cette idée une véritable trahison de «la promesse d'Ubuntu» : «un noyau d'applications libres et open source». Non seulement Google Docs ne remplit aucune de ces conditions, mais il s'agit également d'un service particulièrement invasif puisqu'il prévoit, dans l'article 11 des CGU , que tout contenu transitant par ses serveurs pourra être «reproduit, adapté, modifié, traduit, publié, représenté, affiché et distribué» à la guise de Google. Bref, s'en remettre à Google Docs «viole le cœur de la philosophie d'Ubuntu» , selon Andrew Wyatt, «et ressemble à une magouille de coulisses» . Le coup de pouce offert aux solutions de Mountain View pourrait en effet compenser l'abandon de leur moteur de recherche au profit de Yahoo! , dans la configuration par défaut de Firefox. C'est le même Rick Spencer qui est à l'origine des deux propositions de changement.

Mise à jour :

La page de discussions lancée par Rick Spencer a été mise à jour après la parution de cet article, prenant en compte «les mauvais retours sur un abandon total d'OpenOffice» et la proposition alternative du développeur Andrew Wyatt. Les logiciels libres Abiword et Gnumeric , respectivement traitement de texte et tableur, seraient désormais privilégiés pour remplacer OpenOffice. Mais Spencer dit toujours «essayer d'étudier des outils en ligne supplémentaires» .

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