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Libération

Vos disques durs ne valent pas un «cloud»

par Camille Gévaudan
publié le 7 juin 2011 à 18h14
(mis à jour le 7 juin 2011 à 18h19)

D’Electronic Arts à Google en passant par Amazon et Apple, les principaux acteurs du numérique ne jurent plus que par le «cloud» : mais qu’est-ce qu’il leur prend ? Du jeu dans les nuages par-ci, de la musique dans les nuages par-là… Tout le monde semble vouloir délocaliser ses services au pays des Bisounours. Mais derrière cette expression aussi mystérieuse que poétique, c’est d’abord une révolution des usages qu’il s’agit d’accompagner. Depuis les tout débuts de l’informatique, les données ont été étroitement liées au support physique sur lesquels elles sont inscrites : les documents de travail sont stockés sur le disque dur de l’ordinateur, les fichiers musicaux remplissent la bibliothèque des lecteurs mp3 et, plus récemment, les photos prises avec un téléphone portable occupent la petite carte micro-SD coincée sous la batterie.

Mais les appareils ont évolué. Aujourd'hui, tous sont connectés à Internet via le réseau wi-fi domestique ou la 3G des opérateurs téléphoniques. Les internautes les plus branchés ont un PC fixe, un iPod, un smartphone mais aussi un netbook ou une tablette pour les déplacements, et ils surfent partout et tout le temps. Il devient donc de plus en plus pénible de transférer ses données d'un appareil à l'autre par câble USB. Et on ne parle même pas de la fiabilité des machines : qui n'a jamais connu le drame d'une perte de données après le crash d'un disque dur ? Ce sont ces nouveaux besoins que le cloud computing propose de résoudre. Au lieu de stocker ses fichiers «en dur», on les confie à de lointains serveurs -- souvent aux États-Unis -- qui en permettent la consultation à distance et les synchronisent automatiquement sur tous les engins que l'on possède, via Internet.

La révolution a été amorcée avec les offres de musique en streaming comme Spotify ou Deezer. Plus besoin de «ripper» ses CD pour conserver des centaines (voire des milliers) de morceaux sur son ordinateur : un gigantesque catalogue musical est disponible à tout moment sur Internet. Mais ces deux acteurs ont récemment repensé leur modèle économique en posant des limites à l'écoute gratuite de musique, pour encourager les internautes à prendre un abonnement payant. Amazon, puis Google et enfin Apple viennent de s'engager sur la même voie, dans la plus pure tradition de la «copie privée» : leurs services de cloud respectifs ne permettent à l'internaute que d'écouter la musique dont il est déjà propriétaire. Qu'on ait téléchargé ses MP3 sur une plateforme légale ou qu'on les ait sauvagement récupérés en p2p, cela revient au même pour Amazon et Google. Le Cloud Drive de l'un et l'application Music de l'autre se fichent de savoir comment on s'est procuré les fichiers. Dès qu'on les «uploade» sur les serveurs distants, ils deviennent lisibles depuis n'importe quel smartphone (ou tablette) sur lequel on aura installé l'application idoine. En suivant ce raisonnement, Amazon et Google ont choisi de se passer de l'accord des ayants droit. «Enregistrer un MP3 sur le Cloud Drive est exactement la même chose que d'enregistrer un MP3 sur une clef USB ou sur iTunes , justifie Cat Griffin, porte-parole d'Amazon. Nous n'avons pas besoin d'une licence spécifique pour cela.» Forcément, quelques dents ont grincé du côté des majors, mais aucune action n'a été encore intentée officiellement. Pour l'instant.

Apple, en revanche, la joue plus réglo. Son service iCloud, dévoilé hier soir lors de la Worldwide Developers Conference, son grand raout technologique annuel, a été soigneusement négocié avec les majors (Warner, EMI, Sony, Universal…). La Pomme a également exploité la technologie du site de streaming Lala.com, racheté fin 2009. Le résultat est payant (lire ci-dessous) mais parie sur la qualité du service et sa facilité d'utilisation, marques de fabrique de la maison.

Apple, la tête dans l’iCloud

Avec Steve Jobs, c'est l'effet de manche assuré : «Certains pensent que le cloud est un disque dur dans le ciel. Nous pensons que c'est bien plus que ça. Nous l'appelons l'iCloud.» Le système -- gratuit -- présenté hier à San Francisco par le gourou d'Apple pousse encore plus loin la dématérialisation des données : chaque changement (achat, nouveau contact, nouvelle photo, etc) sur son iPhone est automatiquement enregistré, via l'iCloud et sans branchement donc, sur son iPad, son MacBook, bref sur toutes les machines de la marque à la pomme. De même, si on commence à lire un eBook sur sa tablette numérique, on peut poursuivre la lecture là où l'on l'avait interrompue sur son téléphone ou son ordinateur. Il en va de même pour l'autre volet de l'iCloud, la musique : iTunes Match met tous les morceaux présents (téléchargés légalement ou pas) sur un ordinateur à disposition de tous les autres bidules. Il en coûtera 25 dollars par an.

Paru dans Libération du 7 juin 2011

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