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#1 Re : L'actualité d'Ecrans.fr » [Vidéo] Ecrans.fr, le wikipodcast » 07-04-2012 12:57:04

Bonjour,

j'apprécie beaucoup écrans pour les informations rapportées et l'analyse qui en est faite en générale mais, dans le dernier podcast, force est de constater que l'analyse proposée en compagnie d'Adrienne Alix à propos du "pourrissage du web" de Loys Bonod manque de profondeur en s'installant sur le mode "on ne dit pas du mal du web ou de wikipédia".

Attention, il ne s'agit pas pour moi de critiquer le web, ce «drame pour l'humanité», ou même wikipédia en soit, qui est une bonne chose, mais de déplorer l'analyse qui est faite de l'action de cet enseignant.

A tout hasard, je précise que je suis moi même enseignant même si dans une autre discipline (physique) et à un autre niveau (cpge).

Le propos premier de monsieur Bonod est que les étudiants vont à la facilité. Cela n'a rien de nouveau, c'était déjà le cas du temps de nos grands-parents. Toutefois, à leurs époques, ou même à la notre, pour faire une analyse de texte sans trop travailler, il fallait trouver en librairie des fiches toutes faites ou ouvrir une encyclopédie, etc. Dans tous les cas, il y avait un minimum de travail de recherche réalisé et, surtout, à l'échelle d'une classe, vous n'aviez pas plus d'un ou deux étudiants assez maladroit pour recopier les informations en bloc sans chercher à les maquiller, ce qui à nouveau est un travail littéraire.

Avec internet, c'est un constat très répandu que de nombreux étudiants tapent un vague mot clef dans google et recopie bêtement ce qu'ils trouvent sans se poser de question ni même chercher à la maquiller, pensant que, vu la taille d'internet, l'enseignant ne s'en rendra pas compte (mais bien sûr, comme si on pouvait rater qu'un étudiant de 14 ans ayant du mal à aligner trois mots sans faire une faute d'ortographe ou de grammaire se met subitement à s'exprimer comme un encyclopédiste...).

C'est de ce constat que part monsieur Bonod, il monte alors une opération ne visant aucunement à humilier ses étudiants, comme dit dans le podcast (à ce sujet, on peut d'ailleurs noter la réaction des élèves: «après quelques instants de stupeur et d’incompréhension, ils ont ri et applaudi de bon cœur.»), mais à leur faire prendre conscience de leur bêtise. Il introduit ainsi des erreurs sans importance dans différentes sources pour pouvoir tracer les emprunts des étudiants et montre ainsi:
+ qu'il n'est pas dupe. Ca peut vous paraître vain mais c'est toujours bon à rappeler aux étudiants.
+ qu'il ne faut pas faire confiance à tout ce qu'on lit sur le net.

Et c'est là que devrait se construire l'analyse du podcast. Effectivement, monsieur Bonod érige sa conclusion en une méfiance forte vis à vis du web et, au lieu de railler cette méfiance, il serait plus intéressant de la creuser en faisant remarquer qu'on peut soulever les mêmes critiques vis à vis des ouvrages écrits. En effet, ce passage:

«J'ai ensuite voulu faire la démonstration que tout contenu publié sur le web n'est pas nécessairement un contenu validé, ou qu'il peut être validé pour des raisons qui relèvent de l'imposture intellectuelle.»

Peut tout aussi bien s'appliquer à de nombreux ouvrages, y compris aux encyclopédies. Il suffit d'ouvrir une vieille encyclopédie et de lire ce qui y est écrit à propos des africains ou des asiatiques pour le vérifier.

On peut également faire valoir que, si ses conclusions sont discutables, sa démarche est pédagogiquement intéressante (et je n'hésiterais pas à y faire référence dans mes propres cours), puisqu'elle met en exergue la nécessité de recouper les sources, travail qui, justement, est rendu plus simple par l'usage du net, mais qui ne saurait se limiter à la seule utilisation de document numérique. Recouper des sources, c'est récupérer des références et aller les consulter, sachant que nombres d'entre elles n'existe pas (encore?) sous forme numérique.

Enfin, il y a au moins une conclusion de sa démarche qui est très intéressante: les élèves font appel au net (ou autrefois aux encyclopédies) non parce qu'ils sont irrécupérablement feignant (même si ça joue toujours un peu) mais parce qu'ils sont convaincus qu'ils ne sont pas capable de faire les choses par eux-mêmes. Il y a là un élément, qui sort des prérogatives de écrans.fr il est vrai, mais qui est très intéressant et n'a rien de nouveau. Pourquoi nos étudiants manquent-ils à ce point de confiance en eux?
Et je précise que je partage totalement son analyse sur ce dernier point. Il est étonnant de voir ce que l'on peut faire produire à un étudiant en l'aidant à prendre confiance en lui.

Donc, pour résumer: plutôt que de se focaliser sur les méfaits de cet enseignant, méfaits quand même très marginaux, il est plus intéressant de se concentrer sur ce qui peut être tirer de positif de son expérimentation:
+ nécessité de recouper les source en soulignant le rôle positif que peut jouer wikipédia dans cette logique puisque tout article de wikipédia s'accompagne de références consultables;
+ nécessité de former les étudiants (et les gens en général) à un bon usage des ressources en lignes;
+ mise en évidence d'un problème de fond chez l'étudiant et plus généralement dans la société: la conviction de ne pas être assez intelligent pour penser par soi-même. En notant bien pour ce dernier point qu'internet peut jouer un rôle négatif (d'où la nécessité d'une formation à son bon usage) en offrant la possibilité de trouver facilement des personnes disposées à penser à votre place.

Dans tous les cas, en vous dispensant de ce genre d'analyse au profit d'une diabolisation du professeur, qui falsifie des données et humilie ses élèves, vous avez généré 5 minutes de bruits que vous auriez pu consacrer à autres choses.

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