D'une part il n'est pas question ici de "piratage" -mot détourné de son sens selon une technique bien connue de manipulation appelée le forçage mental, et destinée ici à stigmatiser d'emblée l'internaute. Le piratage rappelons-le donc, relève strictement du droit maritime. Allez faire un tour au large de la Somalie, et peut être à votre retour appréhenderez vous mieux, si vous en revenez, la subtile différence qui existe entre un pirate qui en veut à votre vie et à la vertu de votre épouse, et un internaute qui partage paisiblement des fichiers sur internet.

La personne qui uploade gratuitement des données, met grâcieusement à disposition d'autrui une partie de sa bande passante et de son espace de stockage sur disque dur, et participe ainsi à une diffusion qui enrichit la collectivité. C'est cet enrichissement collectif que vous voulez brimer au nom de l'intérêt financier d'un petit nombre.

Il est vrai que certains ne sont pas étouffés de scrupules, et que parfois hélas l'upload n'est pas gratuit. Il arrive même que le faussaire pousse l'usurpation jusqu'à se prétendre faussement l'auteur de ce qu'il met à disposition contre espèces trébuchantes. Ce fut notamment le cas de M. Minc, que le TGI de Paris condamna en novembre 2001 pour "contrefaçon" et "plagiat servile", haut fait d'armes qui par la suite qualifia particulièrement Minc pour qu'il devienne un conseiller écouté de l'Elysée sur toutes choses, et notamment ces questions.

A ces condamnables extrémités près, il vous faut comprendre aussi que le "droit de propriété intellectuelle", sous la forme talibane sous laquelle on cherche à l'imposer de nos jours, tend à constituer une entrave de plus en plus oppressante à l'innovation et au progrès, et ceci, non seulement dans le domaine artistique, mais aussi dans celui des techniques, voire même de la médecine, comme l'ont abondamment illustré par exemple les démélées de l'Institut Curie avec la firme Myriad Genetics.

Vous m'aurez encore mal lu. Je ne décide rien, j'observe simplement et selon une logique vous vous n'avez pas contredite, qu'avant d'être salarié de TF1, B.G est citoyen français ; et que de la sorte, si TF1 choisit de rester en France, elle se doit de tirer toutes les conséquences de son libre choix et accepter en contrepartie que ses salariés jouissent, au moins hors du cadre de leur travail et par le truchement d'une correspondance privée, de l'entièreté de leurs prérogatives de citoyens.

Mais il s'agit là je le reconnais d'une réflexion peut-être un peu complexe.

B.G. n'avait donc pas à démissionner. On n'a pas à s'infliger une sanction sous prétexte que d'autres ne respectent pas vos droits. Et La comparaison faite par vous ci plus haut avec F.Beigbedder et son 99F relève de l'indigence absolue. Beigbedder a tiré rémunération de la mise en vente publique d'un ouvrage qu'il avait écrit dans lequel il stigmatisait le milieu de la pub. B.G. lui, s'est contenté d'envoyer un courrier privé à sa députée dans lequel il ne stigmatisait aucunement TF1, mais alertait gratuitement sa représentante à l'Assemblée Nationale des dangers dont la loi Hadopi était lourde. La démarche est strictement contraire, ce qui explique sans doute que vous confondiez les deux. Vous avez tout compris.

Rien ne permet d'affirmer comme vous le faites que B.G. aurait été un "intégriste d la gratuité". En l'espèce, il n'a fait que son devoir de citoyen en adressant à sa députée, en dehors de ses horaires de travail et à partir de son adresse privée, un courriel l'avertissant des difficultés soulevées par une loi en "discussion" (le mot est certes un peu fort) au Parlement.

Si TF1 juge "contraire à ses intérêts" un acte qui relève de la démarche citoyenne élémentaire de ses salariés, c'est que les intérêts commerciaux de cette entreprise ne sont pas compatibles avec les valeurs et principes civiques jusqu'ici en vigueur dans dans le pays où elle est implantée. L'on peut alors se demander pourquoi elle persiste tant à s'y incruster. La faible luminosité de TF1 à l'international fournit peut-être un premier élément de réponse; la mise à disposition gratuite à TF1 par l'Etat, depuis 1986, de la ressource rare en quoi consiste les fréquences VHF/UHF via lesquelles TF1 gave les cerveaux disponibles, en fournit un deuxième ; il doit y en avoir d'autres.

Quoi qu'il en soit, dès lors que TF1 choisit de rester en France, elle se doit de faire preuve d'un minimum de conséquence, et d'assumer les servitudes inhérentes à ce choix. En particulier, TF1 doit accepter que ces salariés aient le droit d'avoir des options politiques divergentes des siennes, et aient le droit aussi d'en discuter avec leurs élus.

A ce stade, il faut peut-être rappeler aussi qu'un contrat de travail consiste, dans son principe, à échanger l'accomplissement d'une prestation contre une rémunération monétaire. Il n'y a aucune obligation de principe pour le salarié à ce qu'il ait de surcroit à épouser les options politiques, philosophiques ou religieuses de l'entreprise où il est embauché. Ou alors, c'est qu'il s'est embarqué, non pas dans une entreprise, mais dans une secte.

Ce qui somme toute ne serait pas si improbable si l'on se réfère à l'existence, au sein de Bouygues, de "l'ordre du Minorange", très révélatrice d'un certain état d'esprit:

http://gilbert-gaubert.fr/pages/L-ordre-du-Minorange