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Libération

Avant la France, le Royaume-Uni essaie la riposte graduée

par Camille Gévaudan
publié le 26 juillet 2008 à 14h55
(mis à jour le 7 avril 2010 à 13h39)

Ils n'ont pas été longs à céder. Les six plus gros fournisseurs d'accès à Internet britanniques ont accepté cette semaine de tester le système de riposte graduée, sous la pression du gouvernement, qui les avait menacés de les y forcer par la loi avant le printemps prochain, et celle des lobbys musicaux et cinématographiques, qui leur prêtent une responsabilité dans le développement du téléchargement illégal par leur offres haut débit. Le directeur général de la British Phonographic Industry, Geoff Taylor, rappelle le problème : «Les musiciens ont besoin d'être payés comme n'importe qui d'autre. Le partage de fichiers n'est pas anonyme, ni secret, et il va à l'encontre de la loi. (...) Tous les principaux FAI du Royaume-Uni reconnaissent maintenant qu'ils ont un rôle à jouer dans le contrôle des partages illégaux sur leurs réseaux.»

BT, BskyB, Virgin, Orange, Tiscali et Carphone Warehouse ont donc signé cette semaine un Memorandum of Understanding (lettre d'intention), dans lequel ils s'engagent à collaborer à la lutte contre le piratage.

Suivant l'exemple de Virgin Media , les six FAI vont envoyer des lettres d'avertissements aux internautes soupçonnés de téléchargement ou de partage illégal, à un rythme de 1000 courriers par semaine. Les opérateurs ne surveilleront pas eux-mêmes les réseaux ; ils s'appuieront sur les constations d'infraction faites par les ayants droit pour établir la liste des destinataires. Les lettres comprendront, sur le même modèle que celles déjà émises par Virgin, un rappel de la législation sur les droits d'auteur et de l'existence d'offres de téléchargement légal. Le memorandum évoque d'ailleurs le devoir des maisons de disques de proposer des alternatives attractives : «Les ayants droit doivent considérer sérieusement un accès plus flexible des consommateurs aux contenus.»

À cette phase de test, prévue pour durer 3 mois, devrait succéder une étape de sanctions techniques pour les abonnés récalcitrants. Les options envisagées comprennent un filtrage des réseaux pour empêcher l'usage des techniques de peer-to-peer, et des restrictions de bande passante pour les plus gros téléchargeurs. Mais pas de coupure. Le secrétaire d'État à la culture, Andy Burnham, a récemment fait marche arrière et exclu la mise en place d'un système « three strikes and you're out » ("trois avertissements et on coupe"), devant les nombreuses contestations qui ont entouré cette proposition. Virgin, notamment, avait déclaré qu'il n'y avait «absolument aucune possibilité» de déconnecter ses abonnés – même s'il consentait à les en menacer.

Des solutions de type licence globale sont toujours proposées par certains acteurs du débat. Peter Jenner, qui fut le manager de Pink Floyd et The Clash, entre autres, a ainsi soutenu le projet d'une taxe annuelle de 30 livres pour couvrir les pertes de bénéfices causées par le peer-du-peer. «S'il y a assez de gens qui payent une petite somme d'argent, on peut continuer à faire tourner l'industrie du disque» , avance-t-il. Mais Geoff Taylor refuse toujours d'en entendre parler : «Aucune solution de ce genre n'est en discussion. Le proposition d'une taxe n'a pas été évoquée dans les discussions entre le gouvernement et nous, et il n'est pas prévu qu'elle le soit.»

La question du financement de ces opérations semble être dans le même cas. Aucune solution n'a été proposée par le gouvernement jusqu'ici, et des rumeurs parlent d'une participation directe des internautes via leur facture d'abonnement à Internet.

La Fédération Internationale de l'Industrie Phonographique (IFPI) s'est déjà félicité de la nouvelle. Elle affirme que «le processus mis en place l'an dernier en France pour faire participer les FAI [à la lutte contre le piratage] bénéficie d'un réel élan international» . Oui, mais tous les gouvernements ayant indiqué vouloir suivre le "modèle français" (Australie, Danemark, Grande-Bretagne, Japon, Nouvelle Zélande...) semblent avoir oublié que la loi Hadopi est encore loin d'être votée.

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