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Libération

Rock & Pirates à Saint-Malo #3 : l'inévitable fuite

Parlons fuite d'albums avant leur sortie officielle avec les artistes programmés par le festival malouin.
par Alexandre Hervaud
publié le 3 septembre 2009 à 15h55
(mis à jour le 3 septembre 2009 à 15h59)

Autant l'avouer tout de suite, la lecture en diagonale d'un programme, mixée à une carence d'attention patente, peut entraîner de pénibles confusions. C'est ainsi que votre serviteur en goguette malouine un peu inattentif a bêtement confondu Grizzly Bear avec Panda Bear , après avoir loupé misérablement le début du set de Deerhunter , persuadé de les avoir déjà vus. Alors qu'il s'agissait du groupe Deerhoof . C'est qu'ils sont énervants à la fin, ces groupes ricains avec leurs noms de bestiaux, un coup à transformer vite-fait votre baladeur en guide du Zoo de la Palmyre. Grizzly Bear, donc, qui n'a rien à voir avec le chanteur d' Animal Collective , est un groupe de rock basé à Brooklyn. Leur troisième album, Veckatimest , est sorti il y a peu. Ou il y a longtemps, si on prend en compte sa fuite ultra-précoce sur le Net... Pour se faire une idée de la chose, leur addictif single Two Weeks , au clip bien barré, est la parfaite mise en bouche :

Contrairement à Michel Sardou et Metallica, Grizzly Bear est une formation que l'on peut clairement qualifier de «connectée», et ce depuis ses débuts. Le chanteur Ed Droste a ainsi pu réagir très à chaud sur son Twitter face au leak (la fuite) de l'album début mars dernier, soit plus de deux mois avant sa sortie. Ce dimanche 16 août, quelques heures avant de monter sur scène, il revient sur le fâcheux épisode : «La fuite était surprenante car elle a eu lieu à peine une semaine après le mastering. On s'attend forcément au leak, mais pas si tôt ! Le plus chiant c'était la qualité du son. Mais l'excitation des fans était extraordinaire.» . Concernant ses réaction «en live» sur l'affaire via le site de microblogging, il tempère un peu son utilisation de l'outil : «c'est sympa, j'ai commencé il y a 6 mois...et je vais sans doute encore le faire pendant 6 mois, ça sera un peu "l'année Twitter", et sûrement autre chose ensuite, j'ai pas envie de faire ça éternellement, hein» . Il en profite donc pour l'instant, comme après leur prestation plus qu'honorable au festival : «Wow, Route du rock, France, on vous aime (...) malgré notre moment Spinal tap quand on est entré sur scène sans électricité.»

La frustration de voir son œuvre fuiter dans de mauvaises conditions (morceaux en pagailles, qualité médiocre) semble être le principal fléau aux yeux des artistes concernés -- à moins que l'excuse du son pas top avant celle du manque à gagner soit utilisée pour ne pas apparaître vénal, bien sûr. Même son de cloche en effet auprès de David Cox et Russell Crank, alias autoKratz , duo electro-rock londonien un peu putassier mais efficace. L'iPhone greffé au poing, le cool David se fâche un chouïa : «j'ai vraiment du mal avec ces petits connards qui ont mis notre album sur toutes les plateformes comme Mediafire trois semaines avant sa sortie. On faisait tout pour préparer la sortie du disque, en plus les versions mises en ligne étaient en mp3 pourri à 96kbs» . Le duo reste toutefois très ouvert à l'idée du partage de fichiers musicaux : «si c'est de personne à personne, c'est génial, c'est un peu comme faire une mixtape pour tes potes. Les majors qui persécutent les mecs qui font ça, c'est écœurant» . On lui explique alors gentiment le principe d'Hadopi et de riposte graduée, et instantanément, l'horreur se lit sur son visage d'anglais chauve très pâle. «Mais c'est immonde et flippant, couper l'accès au web de quelqu'un, c'est fait pour donner aux gens l'accès direct à l'information ! Vous devez faire tout ce que vous pouvez pour empêcher ce truc, ça aurait des répercussions terribles. Combattez ça !» .

Son collègue Russel s'enquiert aussitôt de l'existence d'un Parti Pirate en France , alors que le Pirate Party UK s'est récemment remobilisé , boosté par l'exemple suédois. «Même si j'ai parfois des soucis avec leur façons de s'exprimer, leur philosophie de base est juste, on ne peut pas réguler le partage de fichiers, c'est impossible. Par contre, leurs clichés à la con du style "n'engraissons pas ces pourris de producteurs pour qu'ils dépensent du fric en coke, champagne et putes", c'est vraiment tout pourri» . On se gardera de tout commentaire, y'avait pas moyen d'entrer au bar ultra-VIP.

A suivre...

Précédemment :

_ Rock & Pirates à Saint Malo #2 : le gratuit, ça peut payer

_ Rock & Pirates à Saint Malo #1 : introduction

Saint-Malo, envoyé spécial

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