Le téléchargement illégal de films se porte bien en France

par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 août 2008 à 19h58
(mis à jour le 10 novembre 2008 à 11h19)

450000 films récents sont téléchargés chaque jour illégalement en France. Le chiffre impressionne. Si on ajoute que c'est presque autant que le nombre d'entrées en salle de cinéma en France, il peut assommer. Surtout à quelques semaines du passage de la loi Création et Internet devant le Sénat. On doit ce chiffre à une étude statistique «concernant les téléchargements de contrefaçons de films sur les réseaux P2P» d'octobre 2007 à juin 2008 de l' Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) .

L'étude a été réalisée sur les cent films français et étrangers les plus piratés (qui représenteraient 90% du trafic) entre octobre 2007 et juin 2008. Elle établit que, ces huit derniers mois, il y a eu en moyenne par mois 14 millions de téléchargements illégaux de films en langue française. Et ce serait loin de satisfaire la demande. Schéma à l'appui (ci-dessous), l'étude estime en effet que cela correspond à moins de 40% des sollicitations. C'est-à-dire que 60% de pirates ne seraient pas arrivés à télécharger La Môme ou Cloverfield . Une affirmation étonnante que l'ALPA explique par des serveurs régulièrement saturés. L'enquête a été réalisée par Thomson et Advestigo, une des principales sociétés françaises de surveillance des réseaux p2p, sur eDonkey, Gnutella ou Bittorrent et Overnet.

«Offre et demande de contrefaçons de films», avril-juin 2008 - Source : ALPA

Les machineries Hollywoodiennes ont toujours la côte chez les pirates français. Sur l'ensemble des longs métrages téléchargés illégalement, 66% des fichiers sont d'origine américaine. En tête des plus sollicités, on trouve Jumper de Doug Liman, Cleaner de Renny Harlin et Iron Man de Jon Favreau. Côté français, ce sont Bienvenue chez les Ch'tis de Dany Boon, Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud et La Môme d'Olivier Dahan qui arrivent premiers. Comme le note la récente étude de BigChampagne et MCPS-PRS Alliance (PDF) , le piratage aime ce qui est populaire, et donc il n'est pas étonnant de voir que ce sont les albums ou films en haut des ventes/entrées les plus piratés. Et vice versa. Les contenus boudés par le public, tel le dernier Astérix , sont peu téléchargés illégalement .

Premier des films français piratés, Bienvenue chez les Ch'tis aurait donc été piratés 682000 fois. Ce qui ne l'a pas empêché de dépasser les 20 millions d'entrées en salle. Dans ce cas, on peut difficilement parler de préjudice. Pourtant une information judiciaire a été ouverte pour identifier ceux qui ont mis en ligne les premières versions illégales du film.

Mais surtout, Frédéric Delacroix, le directeur général de l'ALPA, se dit inquiet. «Nous sommes face à un phénomène majeur qui peut mettre en péril l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel» , a-t-il déclaré. Il oublie toutefois de préciser que le nombre d'entrées en salles en France à augmenté de 2,5 % en un an, et que la vente des DVD de films a augmenté de 2,1% entre les premiers semestres 2007 et 2008 (selon le CNC).

Par ailleurs, Frédéric Delacroix semble penser qu'il y a là un lourd manque à gagner alors que son étude ne fournit aucune donnée sur ce point précis. On se souvient de Cindy Sander qui estime que les 200000 téléchargements de son single (mis par ses soins) sur les réseaux p2p est un manque à un gagner de 200000 CD. Le raccourci (682000 téléchargements illégaux de Bienvenue chez les Ch'tis , c'est autant d'entrées en moins pour la comédie de Dany Boon) est facile, mais erroné. Au dire de différentes études, dont celle de BigChampagne et MCPS-PRS Alliance, les industries du divertissement se trompent si elles estiment que la baisse du piratage génèrera une augmentation de la vente d'albums ou du nombre d' entrées dans les salles.

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