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Libération

Hadopi : un décret, une consultation, et des doutes

par Virginie Malbos
publié le 27 juillet 2010 à 16h26
(mis à jour le 27 juillet 2010 à 18h43)

On ne les attendait plus, et pourtant... A deux doigts d'être annulés, les logiciels de sécurisation , futurs produits labellisés Hadopi, font à nouveau parler d'eux. En cause: une «consultation publique relative aux spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation» lancée aujourd'hui par la Haute autorité. Autrement dit: l'Hadopi fait appel aux bonnes volontés des professionnels pour créer le cahier des charges des futurs programmes de sécurisation, édités par des tiers.

Pour ce faire, la Haute autorité fixe les grandes lignes de ce que devront être «ces moyens de sécurisation destinés à prévenir l'utilisation illicite de l'accès à un service de communication au public en ligne» . Des logiciels qu'il sera nécessaire d'utiliser sous peine de se voir accusé . Car Hadopi le rappelle: c'est un « devoir de sécuriser son accès Internet ». La consultation vise donc à « créer un service pour l'internaute » qui devrait lui permettre « d'y voir plus clair ». Comme toujours, pédagogie et explications sont mis en avant.

Mais la consultation qui s'achèvera le vendredi 10 septembre ne pourra pas faire oublier le volet répressif de la loi. Car d'ici là, les premiers mails devraient avoir été envoyés. Eric Walter, secrétaire général de la Haute autorité, table sur 125 000 saisines par jour concernant la musique et le cinéma. Un chiffre maximal: la Cnil, via cinq autorisations délivrées, a permis 25 000 saisines ou procès verbaux par ayant droit, par jour.

L'envoi de mails dès septembre semble alors inévitable. D'autant que le dernier décret, « relatif à la procédure devant la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet » vient d'être publié au Journal officiel . Il avait été adopté hier par le Conseil d'État et co-signé par François Fillon, Fréderic Mitterrand, Michèle Alliot-Marie et Christine Lagarde. Tous les quatre se sont engagés à exécuter, chacun dans leur domaine, ce décret. Composé de trois articles, il confirme des informations déjà évoquées , comme l'exception que devient la Polynésie française, ou les trois phases d'avertissement pour l'internaute.

Il clarifie surtout la procédure pour les fournisseurs d'accès. Ceux-ci seront tenus de « communiquer les données à caractère personnel dans un délai de huit jours » une fois la saisine effectuée. Ils auront 15 jours pour fournir les documents relatifs aux agissements de l'Internaute. En cas de non respect de ces délais, ils seront contraints de payer une amende de 5e classe, soit 1500 euros. Un prix qui augmentera avec les récidives. Et montera à 5 000 euros si le fournisseur d'accès décide de ne pas suspendre la ligne. En échange, il devrait bénéficier de « justes rémunérations » en guise de frais de dossier. Seront-elles suffisantes? En mars dernier, Xavier Niel le patron de Free était inflexible: « tant que l'État ne financera pas le coût de la loi pour les fournisseurs d'accès à Internet, à savoir 70 millions d'euros par an, nous ne bougerons pas ».

D'un point de vue légal, ce décret n'est pas non plus sans poser questions. Selon Numerama , il violerait le code de procédure pénale qui oblige à prévenir « sans délai » le procureur de la République lorsqu'une « autorité constituée » a eu « connaissance d'un crime ou d'un délit ». L'autorité devant alors «transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs» . Or en l'état, le procureur ne serait informé des téléchargements illégaux qu'après qu'Hadopi ait pris ou non la décision de poursuivre l'Internaute.

Une infraction qui avait jusque là été contournée par la Haute autorité, évoquant judicieusement une « infraction de négligence caractérisée » plutôt qu'une « contrefaçon ». Mais ce n'est plus le cas dans ce décret, et si aucune sanction n'est prévue contre cette violation du code de procédure pénale, elle peut amener à une annulation de la procédure. Le décret lui même n'est d'ailleurs pas à l'abri d'une annulation. Il repose sur un autre texte attaqué par le French Data Network en mai dernier . Si le Conseil d'État va dans le sens de leur recours, les deux textes seront à réécrire. Le feuilleton Hadopi continue...

MAJ 27/07 19h: Et le nouvel épisode arrive plus vite que prévu. Selon la Tribune , Hadopi aurait reçu sa première saisine hier. Le premier mail d'avertissement pourrait donc être envoyé sous 15 jours. Même s'il est plus probable que la Haute autorité utilisera son délai de deux mois pour demander des comptes au fournisseur d'accès et profitera ainsi d'une plus grande couverture médiatique en septembre.

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