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Libération

Le KO de Knol, le «Wikipédia de Google»

par Camille Gévaudan
publié le 23 novembre 2011 à 16h12
(mis à jour le 23 novembre 2011 à 17h24)

Google appelle ça son «ménage de printemps hors-saison» ... Doux euphémisme pour annoncer la fermeture d'une série de services made in Mountain View qui «n'ont pas eu l'impact espéré» sur les internautes. Autrement dit : qui se sont plantés. La liste des condamnés compte quelques micro-fonctionnalités dont on ne se rappelait même pas l'existence -- Google Bookmarks Lists, Google Search Timeline et Google Friend Connect -- et qui ne manqueront à personne. D'autres services sont déjà à l'abandon depuis plusieurs mois et franchissent une nouvelle étape vers leur fermeture définitive : c'est le cas de Google Wave et Google Gears. Et enfin, une suprise : Knol , présenté fin 2007 comme une «encyclopédie collaborative» en concurrence directe avec Wikipédia, reconnaît publiquement son inutilité dans le paysage du web et se retirera humblement en 2012.

«Nous avons lancé Knol pour enrichir le contenu du web en permettant à des experts de collaborer sur des articles de fond» , résume Urs Hölzle, un des vice-présidents de Google, sur le blog officiel de l'entreprise. C'est une façon relativement honnête de voir les choses, mais ce n'est pas en ces termes que Knol avait été vendu fin 2007 . À l'époque, on avait surtout retenu cette phrase : «Il y a des millions de personnes qui possèdent des connaissances utiles qu'il aimeraient partager, et il y a des milliards de personnes qui pourraient en bénéficier.» N'était-ce pas alors un regard de défi que Google lançait directement à Wikipédia, champion du partage de savoirs humains ? «Knol proposera de robustes outils communautaires , disait encore Google. Les internautes pourront poster des commentaires, des questions, modifier les articles, ajouter du contenu, etc. Tout le monde pourra écrire un Knol. (...) Les Knols incluront des références et des liens vers des informations supplémentaires.» Là encore, du Wikipédia tout craché. Florence Devouard, alors présidente de la Wikimedia Foundation, craignait d'ailleurs que le géant américain fasse «remonter» les articles Knol dans les résultats de son moteur de recherche, faussant ainsi la concurrence avec l'encyclopédie libre.

Mais on a vite été rassuré. Une fois Knol officiellement lancé, à l'été 2008 , il s'est avéré que l'aspect communautaire s'effaçait devant l'importance accord à la notion d'«auteur». À de rares exceptions près, chaque Knol (un «Knol» est un article) est rédigé par un seul internautes dont l'identité est mise en valeur en haut à droite de la page. Les experts ou les éventuels utilisateurs célèbres peuvent bénéficier, comme sur Twitter, d'un badge «Vérifié» garantissant leur identité. Rassurant pour les articles scientifiques, inutile dans de très nombreux autres domaines...

Le fait que les auteurs ne soient pas tenus à la neutralité de point de vue, comme sur Wikipédia, a contribué à tirer vers le bas la qualité de l'ensemble. Les Knols ne sont pas des articles encyclopédiques ; ce sont des opinions, des billets de blog. Les critiques de films et de jeux vidéo, les recettes de cuisine et les tutoriaux ont pullulé, mais pas de la main de critiques professionnels ou de chefs reconnus. Séduits par la possibilité de gagner de l'argent grâce à la publicité affichée sur leurs knols, ces internautes lambda n'ont pas gagné beaucoup de visibilité -- car Google n'a pas semblé favoriser Knol dans les résultats de recherche --, et donc pas beaucoup d'argent.

Aujourd'hui, on a bien du mal à trouver dans notre entourage un internaute ayant déjà participé à Knol. Tout aussi introuvables sont ceux qui avouent avoir fréquenté le site en 2011 (ou en 2010, ou même en 2009 !). Quant aux articles eux-mêmes, il faut les chercher spécifiquement en ajoutant le mot-clé «knol» à sa recherche pour les voir apparaître dans Google... Un comble ! Bref, il était plus que temps d'avouer la défaite. «Knol continuera de fonctionner comme d'habitude jusqu'au 30 avril 2012, puis il ne sera plus consultable en ligne» , détaille Google. Les articles resteront exportables (et facilement transférables sur un blog Wordpress) jusqu'au 1 octobre 2012. Après, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

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