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Libération

Dernier eldorado pour desperados

par Olivier Seguret
publié le 6 août 2011 à 16h01
(mis à jour le 7 août 2011 à 12h09)

[Tourisme virtuel 6/6] . Avec «Red Dead Redemption», laissez-vous transporter en 1911 dans un western crépusculaire.

Nous voici au terme des petites et grandes aventures du voyage en univers virtuels. Dernièrement, aucun jeu n'a mieux incarné l'aventure que le crépusculaire et néanmoins éblouissant Red Dead Redemption qui, sous couvert d'attirer les joueurs dans un genre qu'ils connaissaient bien depuis les GTA et affiliés (jeux de rôle et d'action dans un monde ouvert), ressuscitait en fait, et pour sa plus grande gloire, un genre cinématographique quasiment défunt : le western.

Au-delà de la géographie bien concrète qui situe l’action dans les déserts et les montagnes de l’Ouest américain, c’est donc aussi dans une certaine nostalgie du western historique que ce titre fait intensément voyager. Les cartes ne sont que très légèrement brouillées : les comtés fictionnels de New Austin et de West Elizabeth, qui forment votre territoire initial, pourraient par exemple servir à figurer le Texas et le Nouveau-Mexique. Quelques excentricités géopolitiques pimentent un contexte bien connu : l’Etat de Nuevo Paraiso, notamment, est un Etat mexicain autonome (bien pratique pour s’y planquer), séparé du territoire américain par un Rio del Toro qui n’abusera personne…

Lorsque vous débarquez dans cette contrée et que vous commencez à arpenter, à dos de cheval, avec fébrilité et appréhension, cette majestueuse et gigantesque nature, époustouflante de vérité, le calendrier affiche 1911. Cela décevra peut-être les amateurs du western des origines et de la conquête. Mais tous les autres comprendront très vite l’intérêt de ce décalage avec les conventions, que le western spaghetti avait d’ailleurs été le premier à tenter : c’est un monde en déclin, et par là même tragique, que vous allez sillonner, avec sur les épaules le poids d’un double remords. D’abord votre femme et vos enfants, lointains otages dont le sort dépend de votre conduite. Ensuite vous-même, John Marston, le rebelle fripé que vous incarnez, qui joue si bien de sa vieille carcasse existentielle et auquel le jeu s’adresse par ailleurs avec la plus grande élégance. Vous, irascible solitaire, chatouilleux de la gâchette, fossile vivant d’un monde sauvage que le progrès moderne pousse vers la tombe. Courez-y : c’est le but.

Oui, ici, les cow-boys sont les derniers de leur espèce, les outlaws sont des reliques et même ce lapin à la broche, que vous avez vous-même fraîchement chassé, semble prendre le goût d’un très ancien vestige.

Ce n'est pas mortifère : au contraire, c'est débordant d'une énergie du désespoir comme on en trouve dans les meilleurs Sergio Leone. Et ce carburant sentimental, cinéphilique, parfois même mélo, propulse le voyageur de Red Dead Redemption vers des sommets épiques dont il croyait l'accès virtuel interdit. Tout, cependant, peut arriver. Même la fantaisie. Et votre route ne manquera pas de la croiser. Si d'aventure un trio formé d'un Gallois, d'un Irlandais et d'un Français se présente, prudence…

Paru dans Libération le vendredi 5 aout.

Les autres destinations :

- « FF XII » : escale épique à Ivalice

- « Zelda » et les reliefs du monde d'Hyrule

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