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Libération

Le web français se rebiffe contre les Tontons Taxeurs

par Alexandre Hervaud
publié le 13 décembre 2010 à 16h59
(mis à jour le 13 décembre 2010 à 20h29)

Le 24 novembre, le Sénat votait l'amendement surnommé par beaucoup «taxe Google» visant à prélever 1% «sur l'achat des services de publicité en ligne» dès le début 2011. Rappelons au passage que le terme «taxe Google» avait été popularisé par Jacques Toubon dans le rapport Zelnik et justifié pour financer la lutte contre le piratage, ce qui n'est désormais plus du tout le cas : il s'agit de résorber la dette, financer les service public, etc.

L'originalité de l'initiative est donc de taxer les annonceurs, et non les recettes publicitaires comme c'est souvent le cas. Il est vrai que par le jeu de montages divers, comme Libé l'exposait récemment , certaines (grosses) entreprises du secteur parviennent à réduire leur imposition comme peau de chagrin.

Sauf que l'épouvantail Google brandi par le sénateur Philippe Marini, et défendu dans la vidéo ci-dessous filmée à l'occasion d'un chat pour Senat.fr (le transcript est lisible ici ) caricature la situation de centaines d'entreprises françaises, pour qui le vote dudit amendement sera totalement indolore côté Google, pas du tout concerné par la chose, mais dommageable pour la vitalité économique du secteur.

Aujourd'hui, dans la Tribune , 67 chefs d'entreprise ont signé un texte pour s'opposer à la taxe défendue par Marini, actuellement débattue ce lundi après-midi par les parlementaires de la Commission Mixte Paritaire (CMP).

Cet «appel des 67» (parmi eux les boss de Priceminister, Dailymotion, Allociné, CapGemini, Wikio, etc.) débute par une comparaison peu flatteuse : «bien loin de la "Silicon Valley" à la française dont on pourrait rêver, c'est un "Silicon désert" que risque de préparer la taxation supplémentaire des investissements publicitaires sur Internet votée par le Sénat» . Et de citer assez rapidement un exemple bien franchouillard pour railler le politique toujours prompt à taxer, à savoir les Tontons Flingueurs , et cette réplique : «je sais, c'est injuste mais ça soulage…» . Le texte poursuit : «la taxe en plus d'être cinématographiquement référencée est économiquement absurde et certainement inconstitutionnelle.»

Cette critique d'un système décrit comme perdant-perdant s'achève sur une pique post-remaniement plutôt bien sentie : «Il serait grand temps que la France réfléchisse réellement à créer un espace économique favorable aux nouvelles technologies de l'information. A moins que le rapatriement du numérique à Bercy ait signifié son rattachement au budget et non à l'industrie…» .

D'aucuns pourraient sans peine critiquer cette mini-révolte des entreprises du web, surtout quand on sait les avantages offerts par l'Etat aux start-up, comme les diverses exonérations de cotisations sociales dont elles peuvent bénéficier. À ceci près que le 1er décembre dernier, Eric Besson a soutenu devant le Sénat la réforme du statut fiscal des jeunes entreprises innovantes, adopté dans le cadre de la Loi de finances 2011. Comme le rappelle l'Expansion , «la réforme imposera un plafonnement des exonérations à 103 000 euros par établissement, et un plafond de rémunération mensuelle brute par personne à 4,5 fois le Smic» . Quitte à paraître encore assez gâtées, les entreprises concernées n'ont guère apprécié la réforme censée rapporter 57 millions d'euros à l'Etat.

Pour revenir à l'amendement, rien ne dit qu'il sera accepté par la CMP, qui compte parmi ses parlementaires de farouches opposants à la fameuse taxe. Ainsi se poursuivrait la déroute du taxman Marini dont l'amendement sur l'extension de la redevance TV aux ordinateurs est tombé à l'eau dernièrement . Tout comme l'avait été celui proposé il y a presque deux ans jour pour jour visant à taxer tous les internautes vendant plus de 12 produits par ans sur les sites comme eBay ou Priceminister. Les responsables desdites entreprises s'étaient alarmé d'un tel dispositif, ce qui n'avait pas empêcher Marini de proposer récemment, avant de le retirer, un amendement proposant de taxer de 0,5% le commerce électronique. Sacré sénateur, il ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnaît.

MAJ : «Taxe #Marini sur la publicité en ligne supprimée en CMP loi de finance» indique dans un tweet le fiable @Autheuil, qui tient l'info d'un des membres de la CMP.

MAJ 2 : Ohlala on nous y reprendra à croire un twittos de droite ! D'après BFM , la fameuse taxe à bien été adoptée en CMP. Marini «aurait apporté une légère modification à son texte avant qu'il soit adopté, mais on n'en connaissait pas encore la teneur lundi à 18h. En tout cas "sur le fond, la taxe est votée" selon un participant.» , indique BFM. Un confrère des Echos précise que le gouvernement pourrait déposer un projet de loi rectificatif en février. A suivre...

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