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Mission Lescure: un calendrier, un site... et une Hadopi maintenue

par Sophian Fanen
publié le 18 juillet 2012 à 16h59

Le gouvernement avait promis une «grande concertation» sur l'adaptation du monde de la culture aux enjeux du monde connecté, mais on assiste surtout à un grand tâtonnement. Annoncée pour septembre la semaine dernière, la mission confiée à Pierre Lescure commencera finalement ses travaux dès cet été, selon un calendrier communiqué à l'issue du Conseil des ministres de ce mercredi. Pierre Lescure qui, au dernier de nos pointages, est toujours engagé dans des instances de direction de groupes comme Lagardère ou Nagra-Kudelski, qui seront concernés par les réformes à venir.

Cette «mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'ère du numérique» doit donc se dérouler «en trois temps» :

«- De juillet à septembre : diagnostic de l'existant et mise à plat des questions.

_ - D'octobre à décembre : auditions et débats contradictoires.

_ - De janvier à mars 2013 : synthèse et propositions.»

Mars 2013 -- au mieux -- c'est loin, mais vu la masse de dossiers enchevêtrés à aborder, ce ne sera pas de trop si le gouvernement entend mener une réforme de fond réellement ambitieuse -- ce dont certains doutent déjà. On attend toujours, au passage, la lettre de mission qui doit définir précisément les chantiers confiés à Pierre Lescure, qui seront également ouverts à un débat public via un site Internet dédié qui reste à créer.

En fin de semaine dernière, Pierre Lescure a toutefois déjà avancé ses intentions à propos d'un dossier central au sein des débats qui vont s'ouvrir: l'avenir de l'Hadopi et de la riposte graduée chargée de lutter contre les échanges de contenu protégé. S'exprimant lors d'une conférence organisée pendant le Festival d'Avignon par le think tank Altaïr , dont PC Inpact s'est procuré un enregistrement audio , il a affirmé que «la réponse graduée [...] est quelque chose qui doit être sans doute affiné, sans doute nuancé, mais qui doit être maintenu» . On est très loin de l'abrogation annoncée pendant la campagne par le candidat Hollande, et très loin aussi des positions défendues à l'époque par la désormais ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. La concertation doit encore passer par là, mais étant donné l'important consensus des représentants du cinéma, de l'audiovisuel et de la musique en sa faveur, il est peu probable que la coûteuse riposte graduée (12 à 13 millions d'euros pas an, sans effet prouvé au bénéfice de la création) soit abandonnée par le gouvernement socialiste.

Toutefois, estime Pierre Lescure, «la loi Hadopi n'a qu'insuffisamment -- le mot est faible -- pris en compte [...] l'usager» , qui, «singulièrement dans les parties les plus jeunes de la population, est né avec un triple besoin: l'instantanéité, l'universalité et aujourd'hui encore, peu ou prou, la gratuité.» C'est cette dernière qui est, selon lui, «une autre paire de manche» . Face à ces échanges hors marché aujourd'hui repoussés par les décideurs, «la sanction est essentielle dès lors qu'il y a vol [ou] détournement. Elle est nécessaire, mais elle ne peut pas être une réponse suffisante.» Une sanction qui ne peut plus être une coupure de l'accès à Internet, ultime stade prévu par la loi Création et Internet mais jamais appliquée à ce jour. Pour Pierre Lescure, «ce serait comme couper l'eau au début du [XXe] siècle ou couper la nourriture, au sens générique, pour tout individu» .

Parmi les autres sanctions évoquées depuis le début des débats sur la riposte graduée, la possibilité de ralentir l'accès du contrevenant à Internet est notamment ressortie des cartons cette semaine. Mais encore faudrait-il, avant de décider d'une nouvelle sanction, qu'un tribunal accepte de se saisir d'un des dossiers d'internautes «récidivistes» déposés par la Haute autorité. Des dossiers plombés par le flou juridique qui entoure toujours la procédure de collecte de preuves (adresse IP, nature précise des œuvres visées...) et la constatation d'un «manquement à l'obligation de surveillance de l'accès à Internet» .

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