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Tchin à l'Assemblée nationale

Ce soir, les députés ont largement commenté le vote, à très large majorité, de l'amendement 138, par le Parlement Européen.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 mai 2009 à 23h42
(mis à jour le 7 mai 2009 à 12h08)

Comme cela était prévisible, le début de séance de l'examen du projet de loi Création et Internet par l'Assemblée Nationale a été occupé, ce soir, par le vote de l'amendement 138 , à très grande majorité (407 pour, 57 contre), par le Parlement Européen. Pour rappel, ce texte (dit aussi amendement Bono) prévoit qu' «aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne peut être prise sans la décision préalable de l'autorité judiciaire» . Le terme «autorité judiciaire» exclue donc toute autorité administrative, telle l'Hadopi, prévue dans le projet de loi Création et Internet.

La parole a d'abord été prise par le député Jean-Pierre Brard (GRD) et sa verve très imagée. Après avoir rappelé que la commissaire européenne Viviane Reding avait appelé, cet après-midi, le Conseil des ministres européens à accepter de voter le Paquet Télécom dans son intégralité, avec l'amendement Bono, il a sorti une bouteille de vin «Hadopi» ( du domaine Bérénas ) et proposé de l'ouvrir pour célébrer l'événement. Dans une vive ambiance, Patrick Bloche (SRC) est alors intervenu pour demander que l'examen du projet de loi soit interrompu. «Légiférer pour rien est sans doute ce qu'il y a de plus désagréable pour un parlementaire. Et pourtant en reprenant ce soir la séance nous allons examiner des amendements à un texte qui ne servira rien car ce que nous a démontré le Parlement Européen, c'est qu'il refusait ce que vous tentez de faire voter» , a déclaré le député socialiste. De son côté, Christian Paul (SRC) a demandé qu'il y ait une «analyse politique et juridique» de ce vote et «au moins un très long moratoire sinon ça va être "Voyage au bout de l'enfer"» .

Puis, le député UMP Lionel Tardy a rappelé que, quand deux actes sont débattus au niveau national et niveau européen, «il est de bonne conduite» de laisser l'Europe débattre en premier. D'autant que finalement c'est au droit national de se plier. Cela aurait évité et réglé si l'amende avait été adoptée comme sanction en substitution à la coupure de l'accès Internet, a t-il a ensuite indiqué. Même avis pour le député centriste Jean Dionis du Séjour, selon lequel si l'hémicycle avait choisi le «principe de précaution» , il aurait dû adopter les amendements 75 et 76 présentés, et rejetés, la veille au soir.

Infatiguablement, la ministre de la culture, a réaffirmé : «l'amendement Bono ne me gêne en rien car il fait référence à des droits et des libertés fondamentaux, et ce projet de loi ne porte aucunement atteinte à une liberté fondamentale. Car une liberté fondamentale, c'est la liberté de croyance, la liberté de la légalité des peines, etc. Ca n'est pas avoir accès à Internet à son domicile.» La ministre a indiqué avoir soutenu l'amendement de compromis «car il aurait permis le passage du Paquet Télécom» et «regretté qu'il n'ait pas été présenté avec plus de force par Catherine Trautmann» . Cette dernière, qui s'est défendue jusqu'au bout pour qu'il soit voté (en demandant qu'il soit présenté alors même que l'amendement 138 avait déjà été adopté), saura sûrement apprécier.

«Si ce texte n'est pas gênant alors pourquoi s'être lancé dans une course de vitesse avec le Parlement européen en espérant que le compromis serait voté et que vous pourriez présenter qu'Hadopi respecte la position du Parlement» , a alors demandé Martine Billard (GRD). «Si cela n'a aucune conséquence, pourquoi le Paquet Télécom est-il aujourd'hui bloqué par le gouvernement français ? Pourquoi à cause de ce "futile" amendement on vient de perdre au moins six mois et des dizaines de milliards d'euros ?» a poursuivi Christian Paul.

Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre a alors tenté de retourner les accusations portées contre le gouvernement français en accusant «la bande à Bono» de «prendre en otage le Paquet Télécom» . «Le parlement français ne reçoit aucune injonction du Parlement Européen, et pas plus de l'opposition» , a déclaré pour sa part le député UMP Philippe Gosselin.

Face à ce «coup de tonnerre» , Patrick Bloche a regretté que «la ministre fasse le choix de faire du vote un non-événement» . Avec un peu moins de pincettes, Patrick Roy a déclaré «ou bien la ministre est sourde ou bien elle ne sait pas lire» . Débordé, le président de séance, Alain Néri, a alors réussi, après une suspension de séance, à faire reprendre l'examen des amendements.

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