Nouvelle claque européenne pour la riposte graduée

par Astrid GIRARDEAU
publié le 26 mars 2009 à 18h23

«L'adoption de ce rapport est une grande victoire pour la protection des libertés et des droits fondamentaux des citoyens sur l'Internet» . L'euro-député social-démocrate grec Stavros Lambrinidis nous a fait part de sa satisfaction, après le vote (pdf) , ce midi, par 481 voix contre 25, par le Parlement européen, de son rapport. Il poursuit : «Nous devons tous comprendre que l'objectif légitime de la lutte contre la criminalité ne justifie pas tous les moyens pour y parvenir.»

«C'est un symbole et un signal politique fort. C'est tout le Parlement Européen qui s'exprime pour la troisième fois contre la riposte graduée» , nous confie Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net. Quel lien entre un rapport sur le «renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur Internet» et le projet de loi français Création et Internet ? Un paragraphe qui définit que «chaque individu tout au long de sa vie doit avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet» et surtout que «cet accès ne devrait pas être refusé en tant que "sanction" contre les infractions par des gouvernements ou des sociétés privées des citoyens» . Il se positionne ainsi directement contre la coupure de l'accès à Internet telle que prévue dans le projet français, dont l'examen doit reprendre lundi prochain devant l'Assemblée nationale.

Fin février, ce rapport était voté à l'unanimité , à Bruxelles, par la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE). Il était débattu hier en séance plénière au Parlement Européen, avant d'être finalement voté aujourd'hui.

Entre temps, les pressions des lobbys et des gouvernements, notamment français, ont fait rage pour réintroduire le droit à la propriété intellectuelle dans un texte qui n'aborde pas ce thème. «Certains membres ont en effet signé individuellement des amendements concernant la propriété intellectuelle, par ailleurs approuvés par les lobbys du copyright, nous indiquait Stavros Lambrinidis en début de semaine. Mais ce n'est pas un rapport sur les droits de la propriété intellectuelle, il a un intérêt politique général et concerne le respect des droits fondamentaux sur Internet.»

Il faisait référence aux cinq amendements déposés, entre autres, par les

des eurodéputés Jacques Toubon et Jean-Marie Cavada. Notamment l'amendement 2 qui supprimait la phrase «considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées» pour le remplacer par : «l'accès à internet ne doit pas faire l'objet d'abus aux fins d'activités illégales et qu'un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux garantis en droit communautaire doit être respecté» . Cet amendement, comme les autres, ont été rejetés.

Et les autorités françaises sont directement concernées par ce rejet. Dans leur note de position sur le rapport, elles soutenaient ainsi que «rien ne saurait pour autant imposer que cet accès soit garanti de manière absolue depuis son domicile et sur son propre ordinateur (sachant que l'accès reste toujours possible, le cas échéant, depuis d'autres lieux) » , et que «des mesures judiciaires ou administratives doivent pouvoir continuer à être prises dans le cas où des abonnés à Internet utilisent leur accès à des fins illicites » .

Maintenant, ce vote peut-il empêcher l'application de la mise en place, en France, de la coupure d'accès à Internet ? Non, car il s'agit d'un rapport d'initiative et n'est pas contraignant. C'est par contre très fort politiquement. Et considéré comme un appel du pied à la Commission Européenne pour qu'elle légifère en la matière.

Même si ce vote est avant tout un signal politique, le gouvernement peut difficilement de nouveau dire que «ce texte ne l'ennuie pas» et l'ignorer tout en ayant exercé une pression aussi forte. Comme il l'avait fait pour l'amendement 138/46 du Paquet Telecom déposé par Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit, et Zuzana Roithová (on se souviendra par exemple de la lettre envoyée par Nicolas Sarkozy à José Manuel Barroso , le président de la Commission européenne). A contrario, l'adoption de l'amendement 138/46, qui définit l'accès à Internet comme un droit fondamental , et dont l'examen en deuxième lecture est prévue mi-avril, serait contraignante pour les Etats membres.

Aussi pour Guy Bono : «malgré les pressions multiples exercé par l'UMP et les autorités françaises, les députés européens sont restés sur leur ligne : l'accès a Internet est un droit fondamental pour l'inclusion sociale.» Il y a quelques jours, l'euro-député socialiste nous déclarait : « si le gouvernement français s'acharne à ce point, c'est qu'il sait son projet de loi [Création et Internet, ndlr] contraire au droit communautaire. » On risque d'en entendre reparler sur les bancs de l'Assemblée nationale dès lundi après-midi .

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