Exclu : Lettre de Sarkozy à Barroso pour la riposte graduée

par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 octobre 2008 à 0h06
(mis à jour le 6 octobre 2008 à 17h11)

Comme nous l'annoncions samedi , Nicolas Sarkozy a adressé vendredi une lettre à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, lui demandant le rejet de l'amendement 138. Le 24 septembre dernier, 88% des parlementaires européens se prononçaient en faveur de ce texte qui établit que seule l'autorité judiciaire, et non une autorité administrative, peut couper l'accès à Internet, compromettant ainsi l'avenir du système de riposte graduée anti-piratage, et sa haute autorité administrative, Hadopi, prévus par le gouvernement français dans sa future loi Création et Internet.

Dans cette lettre (pdf) , que s'est procurée Libération , il juge «crucial que la Commission soit très vigilante face aux menaces [contre l'approche française de lutte contre le piratage, ndlr] qui se manifestent au Parlement européen à l'occasion du vote du troisième "paquet telecom". Il est notamment fondamental que l'amendement n°138 adopté par le Parlement européen soit rejeté par la Commission» . Et, pour y arriver, Sarkozy sollicite l' «engagement personnel» de Barroso et de Viviane Reding, la commissaire en charge des médias.

Par cette lettre à Baroso, Nicolas Sarkozy confirme les dégâts que pourrait faire cet amendement sur le projet de loi français, contrairement aux déclarations de Christine Albanel, la ministre de la Culture, qui, dès le 24 septembre, déclarait : «ce texte se borne à rappeler un principe très général, qui n'ajoute rien au droit existant » .

Pour la petite histoire, jusqu’à la semaine dernière, Christine Albanel négociait avec Viviane Reding un amendement à l’amendement 138, voire son retrait. Deux propositions dans ce sens avaient été préparées par les services de Reding laquelle, en campagne pour sa réélection, a finalement refusé toute modification. Du coup, côté français on a choisi de passer à l'échelon supérieur. De président à président, de Sarkozy à Barroso.

Selon Philippe Aigrain , Nicolas Sarkozy et le ministère de la Culture ont «légèrement oublié que les Commissaires européens sont soumis à quelques règles.» . Il rappelle qu' «un article du statut de la fonction européenne (qui s'applique aux Commissaires) précise qu'ils ne sollicitent ni n'acceptent aucune instruction des autorités nationales.» Même si cela n'interdit pas la Commission de négocier avec les Etats-membres et particulièrement la présidence.

Si le texte proposé au Conseil des Ministres de l’Union le 27 novembre prochain est amputé de l'amendement 138, cela n'empêchera pas qu'il réapparaisse en deuxième lecture devant le Parlement. C'est programmé pour le premier trimestre 2009, sous une présidence qui ne sera alors plus française, mais tchèque. Si quelques députés peuvent revenir sur leur position, avec 88% des votes favorables à l'amendement, il est difficile d'imaginer que près de 40% d'entre eux changent d'avis d'ici là.

Le passage du projet de la loi Création et Internet devant le Sénat serait quand à lui maintenant fixé au 18 novembre.

Maj le 06/10/2008, à 16h50 : La Commission européenne a rejeté officiellement la demande du président français Nicolas Sarkozy. Lire la suite...

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